Les Rendez-Vous Chorégraphiques de Sceaux
©Crédit photo : Francesca Paraguai
Légende photo : Angelica Liddell
Crédit photo : Francesca Paraguai
Légende photo : Angelica Liddell
Publié le 10 mai 2011 - N° 188
La scène nationale Les Gémeaux construit une passerelle entre la France et les Etats-Unis à travers cette nouvelle édition des Rendez-Vous Chorégraphiques du printemps.
Avec ce programme de quatre soirées, Les Gémeaux célèbrent la danse à grand spectacle, du ballet selon les plus grands maîtres américains, aux magiciens français de l’illusion. Invité de ce temps fort, le Ballet de Lorraine a concocté un programme made in USA balayant quatre-vingts ans de l’histoire de la danse : trois pièces s’y succèdent, trois esthétiques qui ont marqué leur époque et constituent un répertoire fascinant. Tout d’abord avec Martha Graham qui, dans Sketches from Chronicle, démontre la force évocatrice de son art, dont les interprètes féminines se font le relais. Créée à l’aube de la seconde guerre mondiale, la pièce devient l’écho de la montée du fascisme en Europe. L’expressivité défendue par Martha Graham, son sens des valeurs morales et de la puissance du mouvement seront contrecarrés par celui qui fut un de ses solistes. En effet, Merce Cunningham, dès lors qu’il érigea le hasard en principe de composition chorégraphique, opéra une rupture qui mit l’abstraction au premier plan. C’est ce qu’il démontre dans Fabrications, basé sur une combinatoire de 64 possibilités correspondant aux 64 hexagrammes du Yi-King chinois (« Livre des transformations »). Le troisième invité de ce programme américain est bien évidemment dépositaire de cet héritage, mais c’est avec la danse classique qu’il formule son propre langage, basé sur une déstructuration de son vocabulaire et de sa virtuosité. Dans The Vertiginous Thrill of Exactitude, William Forsythe pousse son style jusqu’à emprunter au tutu et aux pointes !
Culte de l’étrangeté
Mais la passerelle entre la France et les Etats-Unis prend réellement corps à travers la venue de la compagnie d’Alonzo King. Lyrisme et virtuosité engagent cette troupe dont le chorégraphe conçoit la danse comme une science, fondée sur des principes géométriques et basée sur la technique et les formes du classique. La soirée aux Gémeaux réunit Shéhérazade, ballet créé au Monaco Dance Forum en hommage aux Ballets Russes, et Dust and light, pièce plus abstraite mêlant duos et trios à des mouvements d’ensemble exubérants pour des corps baignés d’une atmosphère brumeuse ou lumineuse. Un sens aigu du spectaculaire que l’on retrouve, d’une toute autre façon, dans la démarche de José Montalvo et Dominique Hervieu qui donnent à voir ici leur Orphée. C’est le triomphe du collage, du zapping, du baroque, où se côtoient sans complexe un échassier pneumatique, un breakeur unijambiste ou une danseuse sur pointes ! Le tout en interaction avec les images savamment travaillées par une équipe d’infographistes, travaillant sous la houlette de José Montalvo à l’élaboration d’un univers fantastique peuplé d’animaux étranges… A l’inverse, chez Aurélien Bory, le culte de l’étrangeté passe par la présence envoûtante et déstabilisante de la machine : dans Sans Objet (voir notre article), c’est elle qui prend le pouvoir sur le plateau…
Nathalie Yokel
Les Rendez-vous chorégraphiques de Sceaux, du 27 avril au 21 mai, aux Gémeaux, scène nationale de Sceaux, 49 avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux. Tel : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com