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Fiction de Penda Diouf nourrie par la collecte, dans le Bocage normand, de témoignages autour des croyances et superstitions, Sorcières (titre provisoire) fait de la parole un rituel de désensorcellement de la malédiction du passé, mis en scène par Lucie Berelowitsch, la directrice du Préau, CDN de Normandie-Vire.
Zébrée par un tonitruant coup de tonnerre, Sorcières (titre provisoire) de Penda Diouf, artiste associée au Préau à Vire, s’ouvre sur un bout d’intérieur de maison de campagne au milieu d’un orage. Sonia a quitté la ville pour vivre dans cet héritage familial que personne ne voulait ni habiter ni vendre. En ce soir d’intempérie, elle accueille une automobiliste en panne. Le temps du dépannage, les deux femmes échangent quelques mots, entre gêne et générosité, découvrent qu’elles portent les mêmes chaussettes. Sous l’apparence du réalisme presque banal de cette scène liminaire sourdent les prémices du réveil paranormal d’une mémoire maudite. Avec l’aide de Jeanne, venue lui rendre visite, Sonia va déterrer un passé ensorcelé, celui d’une aïeule accusée d’avoir mauvais œil après plusieurs fausses couches et la mort subite de son mari. Entre archives administratives et rituels de désenvoûtement, cette quête d’une vérité historique va prendre possession des deux femmes et faire vaciller leur rapport rationnel au monde.
Une musique d’une justesse exemplaire
Loin de se réduire au folklore des superstitions collectées dans le Bocage normand, Sorcières (titre provisoire) reprend l’exploration ethnographique sur la sorcellerie paysanne que Jeanne Favret-Saada avait menée en Mayenne dans les années 70, pour mettre des mots sur des croyances populaires souvent dévalorisées par l’historiographie. Le basculement dans le fantastique de cette fiction théâtrale n’est qu’un moment transitoire, avant que la parole libère les corps, individuels et social, des peurs et des incompréhensions qui façonnent des monstres : « sorcière » est un titre provisoire pour les femmes bâillonnées. C’est d’ailleurs Sonia qui à la fin de la pièce en donne le sens, quand, une fois la conversion hystérique résorbée, elle remercie son amie de l’avoir aidée à la guérir, en le révélant, du mauvais sort qui empoisonnait son histoire familiale. Dans la scénographie de François Fauvel et Valentine Lê qui, en quelques panneaux suggère un huis clos polymorphe – maison, jardin – avec une porosité entre le réel et le délire, Lucie Berelowitsch révèle, sur un mode intime, une catharsis par le langage qui est l’essence même du théâtre. Calibrée en temps réel avec une mesure et une justesse exemplaires à l’heure où le vacarme prévaut parfois dans les sonorisations, la musique de Sylvain Jacques fonctionne comme une subtile quatrième voix, rumeur des morts peut-être, qui se mêle à celle des trois comédiennes aux personnalités complémentaires d’un spectacle sensible et salutaire.
Gilles Charlassier
En tournée dans la région.
Théâtre des Halles, Tessy-Bocage, le 18 octobre à 20h30. Tél : 02 33 56 30 42.
Théâtre municipal, Domfront en Poiraie, le 14 novembre à 20h30. Tél : 02 33 38 56 66.
La Halle ô Grains, Bayeux, le 28 novembre à 19h30. Tél : 02 31 92 03 30.
Spectacle vu au Préau – CDN de Normandie-Vire. Durée : 1h30.
Également : Théâtre du Point du Jour, Lyon, les 21 et 22 janvier 2025 à 20h ; Salle des fêtes, Barenton, le 28 janvier à 20h30 ; Théâtre de l'Arsenal, Val-de-Reuil, le 4 février à 20h. Les Franciscaines, Deauville, les 27 et 28 février.
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