La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ali Baba

Ali Baba - Critique sortie Théâtre Toulon Théâtre Liberté
Crédit photo : Brigitte Enguerand Légende photo : Atmen Kelif dans Ali Baba.

Tournée / spectacle de Macha Makeïeff

Publié le 30 mars 2013 - N° 208

Macha Makeïeff renouvelle le trésor des aventures d’Ali Baba : sa fantaisie et son sens de l’équilibre des effets scéniques composent un spectacle aussi drôle qu’émouvant, captivant et profond.

« Mon métier consiste à raconter des histoires aux autres. (…) S’il n’y avait pas d’êtres humains auprès de moi, je les raconterais avec des morceaux de bois, des bouts d’étoffe, du papier découpé, du fer-blanc, avec ce que le monde peut m’offrir. », disait Giorgio Strehler. Macha Makeïeff fait le même métier. Car tous, comme le roi Shahryar, aiment qu’on leur raconte des histoires, même quand celle-ci s’invente elle-même. Tel est le cas de celle d’Ali Baba, qui n’appartenait pas au fonds originel dont s’inspira Antoine Galland, au XVIIème siècle, et qu’il ajouta lui-même à ce Livre des mille et une nuits, dont il fut davantage l’auteur que le traducteur. Deux siècles plus tard, l’orientalisme s’empara de ce thème, avant que d’autres l’adaptent à leur conception d’un Orient rêvé. Macha Makeïeff s’inscrit dans cette lignée des reprises et des métamorphoses, et son Ali Baba est deux fois sien : d’abord parce qu’elle le mâtine d’une faconde marseillaise, ensuite parce que la créatrice semble trouver, avec ce spectacle, une autonomie véritable, une poésie propre, une force détachée des influences de ses anciennes collaborations avec Jérôme Deschamps. Comme elle le fait dire à Morgiane, à la fin du spectacle, Macha Makeïeff va seule et va bien. Paradoxalement, même si elle présente son précédent spectacle (Les Apaches, repris en avril à la MC93) comme le plus personnel de tous, c’est sans doute cet Ali Baba intelligent, truculent, drôle et émouvant, qui dit le mieux le délicat humanisme de sa patte artistique.

Un kaléidoscope harmonieux

Atmen Kelif est Ali le ferrailleur. Nanti d’un fils poussé en graine mieux qu’en sagesse, d’un frère avare et d’une belle-sœur vénale, Ali vit d’expédients, avec, pour seul trésor, ses amis. Mais voilà qu’il tombe sur la caverne, qui va lui assurer le confort d’une vie de pacha et le moyen de faire bisquer l’envieux Qâssim et l’avide Zulma. Atmen Kelif est un Ali Baba croquignolet, presque enfantin, charmant et drôle. Autour de lui, tous les acteurs, chanteurs, acrobates, musiciens et danseurs (dont certains retrouvés des précédents spectacles de Macha Makeïeff) composent une troupe de disjonctés sympathiques, virtuoses et protéiformes. D’Andalousie ou du Moyen-Orient, des années folles ou du quartier marseillais de Noailles, ils apportent tous une pierre précieuse à cet édifice spectaculaire, comme une étoile brillante dans la nuit insomniaque de Shahryar, comme une perle sortie de la bouche de Schéhérazade. Les numéros s’enchaînent avec bonheur, sur une trame narrative adaptée par Macha Makeïeff et Elias Sanbar, où alternent, dans une belle harmonie, le persan, l’arabe et le français. L’ensemble, fabriqué avec ce que le monde peut offrir, est à l’image des trésors que seuls inventent les poètes.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Ali Baba
du vendredi 5 avril 2013 au dimanche 7 avril 2013
Théâtre Liberté
9 Place de la Liberté, 83000 Toulon

Du 5 au 7 avril 2013. Vendredi et samedi à 20h30 ; dimanche à 16h. Tél. : 04 98 00 56 76. Théâtre en Dracénie de Draguignan le 3 mai ; Théâtre Anne de Bretagne de Vannes le 23 mai ; Théâtre National de Chaillot, du 19 au 29 décembre. Reprise des Apaches, du 12 au 21 avril, à la MC93. Tél. : 01 41 60 72 72. Durée : 2h20. Spectacle vu à La Criée – Théâtre national de Marseille.

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