Torquato Tasso
Avec « Torquato Tasso », Guillaume Delaveau, [...]
La Compagnie Les Mille Chandelles investit la Tour Vagabonde, théâtre de bois imité du Globe shakespearien, avec un Roméo et Juliette romantique et enlevé, en forme d’ode à la jeunesse.
Conçue sur le modèle du Théâtre du Globe, où la troupe de Shakespeare créa nombre de ses pièces, la Tour Vagabonde a été construite, il y a plus de quinze ans, par les Ateliers de l’Orme, à Treyvaux, en Suisse. Récemment restaurée, cette charmante boîte à théâtre offre un cadre privilégié à la reprise des œuvres du grand Elisabéthain. L’étroit écrin de la scène, les deux balcons, les escaliers de bois et les coursives sonores offrent la possibilité d’effets proches de ceux dont devait user Shakespeare pour ses spectacles. Les bancs rustiques, la vision panoptique, le vin chaud de l’entracte et la soupe d’après spectacle permettent au public un voyage historique, exotique et savoureux. La Compagnie Les Mille Chandelles a rencontré l’équipe de la Tour Vagabonde en avril dernier : artistes et concepteurs de ce lieu itinérant ont décidé de prendre la route ensemble, avec un Roméo et Juliette adapté à ce lieu, offrant ainsi un sympathique retour aux sources.
Lecture passionnée de la tragédie élisabéthaine
Baptiste Belleudy, qui voit en Roméo une « figure rimbaldienne », interprète le jeune Montaigu et met en scène la pièce. Face à lui, Anne-Solenne Hatte campe une Juliette belle et rebelle, fougueuse adolescente exaltée. Baptiste Belleudy affirme et assume un traitement romanesque de la pièce, tout en émotions et en pamoisons. La scène de la joute rhétorique entre Mercutio (talentueux Paul Gorostidi) et Roméo, entouré par la fine fleur de la jeunesse véronaise, et celle, entre ces mêmes jeunes gens et la nourrice (excellente Sylvy Ferrus), transforment les vitelloni fantasques et fins bretteurs en de très crédibles enfants du siècle à la Musset : le parti pris dramaturgique fonctionne avec bonheur. Il est moins efficace quand il fait des amants des tourtereaux fiévreux et lyriques, réduisant les deux comédiens à la caricature de jeunes premiers narcissiques, modulant mal leurs épanchements. Autour d’eux, le reste de la troupe incarne efficacement les seconds rôles : belle vérité débonnaire de Bernard Métraux en père Capulet, belle humanité maladroitement meurtrière d’Axel Blind, en Frère Laurent. Le texte de Shakespeare, dans la traduction de Jean Sarment, est simple à entendre, et permet un traitement dynamique et enlevé de l’intrigue. L’ensemble compose un bel hymne à la jeunesse et à l’amour, servi par une troupe évidemment sincère et plaisamment charmante.
Catherine Robert
Avec « Torquato Tasso », Guillaume Delaveau, [...]