La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Nuit des Taupes

La Nuit des Taupes - Critique sortie Théâtre Nanterre Centre Dramatique National
La Nuit des Taupes, odyssée souterraine imaginée par Philippe Quesne. © Martin Argyroglo

Nanterre-Amandiers / conception, mes et scénographie Philippe Quesne

Publié le 25 octobre 2016 - N° 248

Philippe Quesne invente un monde souterrain peuplé de taupes géantes. Une micro-société fantasmagorique qui interroge ce qui fait notre humanité.

Dernier abri d’un monde post-catastrophe… Fable allégorique qui questionne l’humanité lorsque tout a été anéanti, ou presque… Le temps a fait son œuvre et les activités humaines ont laissé leur triste empreinte. Comme un futur assombri qui ressemblerait à une préhistoire enfouie. Ces questions qui traversent La Nuit des Taupes résonnent évidemment à l’heure où la communauté scientifique alerte sur l’avenir de la planète et où les politiques peinent à mettre en œuvre des réponses adaptées. A la fois drolatique et inquiétante, la pièce est une performance qui se fonde sur l’imbrication entre le scénique et le scénographique, sans le secours d’une narration claire ou d’un jeu théâtral incarné. Formé aux arts plastiques, Philippe Quesne fait naître une écriture de plateau hétéroclite et bricolée et bâtit des mondes ou des écosystèmes où habitent des communautés insolites. Dans un espace souterrain, il invente une cohabitation fantasmagorique entre l’humain et l’animal, en… évacuant les humains et en affublant de drôles d’animaux de caractéristiques humaines.

Terrier métaphorique

Sept taupes géantes s’invitent sur scène et rappellent la société des hommes dans leur organisation, société certes gouvernée par des pulsions et instincts primitifs, mais aussi société sophistiquée où les taupes savent jouer de la musique (orchestre côté cour), utiliser des outils, peindre et même tenter un massage cardiaque. Dans Swamp Club (2013) déjà, centre d’art menacé au cœur d’un marécage, une taupe géante intervenait et montrait la voie pour se protéger. Lors de cette fameuse nuit des taupes (The Night of the Mole !), le monde apparaît plus menaçant que jamais, et s’en protéger relève quasi d’une mission impossible. Les costumes des taupes sont saisissants de réalisme, et la dimension ludique qui parfois surgit est contrariée par la permanence du danger, qui souligne davantage l’impossibilité du refuge que sa possibilité ! Cette étrange caverne où vivent les taupes devient aussi platonicienne lors d’une belle scène, invitant à interroger sur le pouvoir des illusions et la quête de savoir. Souligné par des lumières très réussies, le voyage suit son cours à travers diverses saynètes et diverses situations, plus ou moins évocatrices et frappantes. Cette odyssée en sous-sol en forme de tentative artistique s’accompagne de divers prolongements. Le metteur en scène et directeur de Nanterre-Amandiers creuse la thématique avec une version jeune public – L’Après-midi des taupes, les 19 et 26 novembre – et avec le projet Welcome to Caveland !, qui investit tous les espaces du théâtre en invitant des artistes et chercheurs à s’aventurer sous la surface de notre planète. Au programme, des spectacles, films, conférences… Une foule de raisons de se faire mammifère fouisseur du côté de Nanterre !

Agnès Santi

A propos de l'événement

La Nuit des Taupes
du samedi 5 novembre 2016 au samedi 26 novembre 2016
Centre Dramatique National
7 Avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre, France

mercredi et vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19h30 (sauf le 5 à 20h30), dimanche à 15h30, relâche lundi et mardi. Tél : 01 46 14 70 00. Durée : 1h30. Spectacle vu au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles en mai 2016. Du 7 au 10 décembre au Théâtre Vidy-Lausanne. Les 8 et 9 mars à la Filature de Mulhouse.

 

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