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Connaître pour créer

Connaître pour  créer - Critique sortie Danse
Crédit : DR Légende : Jean-Christophe Paré, une carrière de l’Opéra de Paris au Conservatoire National Supérieur.

Entretien Jean-Christophe Paré
Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris

Publié le 27 février 2016

Arrivé il y a deux ans à la direction des études chorégraphiques du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, Jean-Christophe Paré nous dévoile les contours de son nouveau projet.

Quelles sont les caractéristiques de la formation du CNSMDP ?

Jean-Christophe Paré : Le CNSMD de Paris appartient au réseau des six écoles supérieures françaises, avec deux orientations de formation : l’une en contemporain, l’autre en classique. Depuis mon arrivée, je poursuis ces deux lignes, mais pour les années à venir, nous souhaitons développer un axe fort autour des écritures chorégraphiques. Transversal, il permettrait à la fois de travailler sur les cursus classique et contemporain, et aussi sur la notation du mouvement. Nous sommes le seul établissement en Europe à en avoir les compétences, en utilisant les deux systèmes Laban et Benesh.

Mais les débouchés ne restent-ils pas très marginaux ?

J.-C. P. : Très marginaux si on pense notateur reconstructeur ou choréologue, de manière un peu puriste. Mais il y a d’autres enjeux qui sont plus intéressants, et des niches professionnelles dans le rapport à la création, à la transmission, à l’enseignement, qui peuvent intégrer la question de la notation. Qui dit écriture dit interprétation. Il n’y a pas de travail qui se déploie en danse sans qu’il y ait un raisonnement sur la question de l’interprétation, parce que les danseurs portent eux-mêmes l’écriture d’une œuvre. C’est le raisonnement autour de l’interprétation qui va permettre de construire toutes les orientations professionnelles, tous les éventails de métiers, et pour moi cela passe par la connaissance des écritures.

« C’est le raisonnement autour de l’interprétation qui va permettre de construire toutes les orientations professionnelles. »

Y avait-il un déficit de connaissance dû à une formation essentiellement tournée vers le danseur en tant que technicien ?

J.-C. P. : Oui, elle était beaucoup sur les savoir-faire, comme on peut l’imaginer dans d’autres pratiques comme les arts martiaux ou le sport. Mais pour moi, comme les danseurs sont aujourd’hui confrontés à un éventail stylistique absolument invraisemblable, c’est là-dessus que l’on doit gagner du terrain. La pluridisciplinarité, dont on parlait beaucoup auparavant, n’est plus vraiment opérationnelle dans l’enseignement supérieur. Il vaut mieux jouer sur l’interdisciplinarité avec des espaces de synthèse, par des manières d’imbriquer les enseignements entre eux, pour que les élèves comprennent plus rapidement les problématiques, pour pouvoir se constituer des points de vue, une manière d’envisager leur avenir, l’autonomie de la pensée…. Et cela passe sur le fil des écritures, qui permet de jouer tout le nuancier des interprétations. C’est en travaillant sur l’œuvre qu’on comprend comment on chemine d’un style à un autre.

Qu’en est-il de la disparition du Junior Ballet ?

J.-C. P. : Le Junior Ballet n’existe plus aujourd’hui. Mais il y a une entité, que l’on appelle Etudianse, qui correspond à la 1ère année du 2ème cycle, où l’on crée des spectacles, où l’on rencontre des chorégraphes… Le 2ème cycle n’interdit pas l’insertion professionnelle, ni d’être en contact avec les réalités du métier, mais il veut les problématiser et créer un espace critique pour les élèves. Je préfère déplacer le problème de l’immersion en essayant de le faire vraiment, avec des contrats de professionnalisation… Au moins l’élève obtient ainsi une expérience professionnelle en tant que telle, il est vraiment sur le métier, bien plus que ne pouvait le faire un Junior Ballet, où les élèves restaient entre eux.

Et le métier de chorégraphe ? Est-ce une chose que les élèves viennent trouver ici ?

J.-C. P. : Je pense que lorsqu’on active sa propre créativité au point de produire soi-même une écriture, il y a un endroit intermédiaire, transversal, situé entre la créativité de l’interprète et celle du créateur. C’est plus tardivement que va s’approfondir la question de la signature, et je fais bien la différence entre les deux. Je vois bien qu’ici les jeunes n’ont aucun problème à utiliser des outils compositionnels qu’ils empruntent allègrement à droite et à gauche sans les remettre en question, mais par ce biais-là ils libèrent leur créativité d’interprète. Il faudrait aller plus loin, et je travaille actuellement à repenser le 2ème cycle avec trois options de parcours : une pour l’interprétation qui est complétement viable et nécessaire, une autre orientation correspondant aux métiers de la transmission, et une troisième pour les métiers de la création.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

 

Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, 209 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris. Tél. : 01 40 40 45 45. www.conservatoiredeparis.fr

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