Un Diplôme d’Etat pour la danse hip hop ?
L’annonce de l’instauration d’un diplôme de danse hip-hop a divisé. Reconnaissance officielle louable pour certains, inappropriée pour d’autres, car faisant peser un risque de formatage de la discipline. Le ministère semble aujourd’hui faire marche arrière.
C’est en octobre 2015, lors d’une visite aux Mureaux, au milieu d’une batterie d’annonces pour les banlieues, que Manuel Valls fait part de l’intention du gouvernement de mettre en place des diplômes d’Etat pour le hip-hop. Certainement pensé comme un coup de pouce pour une discipline qui souffre financièrement, le projet a depuis beaucoup fait débat. D’un côté, des « institutionnels » du hip-hop, Mourad Merzouki, directeur du CCN de Créteil, et Kader Attou, qui dirige celui de la Rochelle, ont pris position en faveur de ces DNSP (diplôme national supérieur professionnel) et DE (diplôme d’État), susceptibles d’être exigés pour enseigner le hip-hop (dans les conservatoires au moins). Leur argument principal : cela permettrait de récupérer des moyens supplémentaires pour former des danseurs de hip-hop, et au-delà de la seule technique. Pourquoi donc refuser ce qui existe déjà pour le classique, la danse contemporaine, le jazz, autant de secteurs qui en bénéficient ?
Vers un enterrement du projet ?
Problème. En face, bon nombre de voix se sont élevées, pétitions et lettres ouvertes à l’appui. Celle d’Anne Nguyen, breakeuse, spécialiste de la danse hip-hop au sol, qui dirige la compagnie Par Terre, vient d’une chorégraphe ayant acquis une légitimité dans les circuits publics de la danse. Son texte avance que cette mesure ne répond pas aux problèmes de moyens que rencontrent les artistes de hip-hop pour créer et durer. Également, qu’elle risque d’altérer la créativité foisonnante d’un milieu aux influences et pratiques multiples. Plus à la marge du système institutionnel, un collectif nommé Moovement a également mené la fronde. Le collectif a eu rendez-vous avec la ministre Fleur Pellerin le 6 janvier dernier. Formulée en d’autres termes, leur pétition rejoignait celle d’Anne Nguyen sur deux points. Que le hip-hop est une discipline si diversifiée dans ses pratiques qu’un tel diplôme risquerait de l’uniformiser, de lui ôter sa vitalité. Et que pour aider le hip-hop, mieux vaut soutenir directement les créateurs. Répétés, ces arguments semblent avoir porté puisqu’à l’issue de la réunion du 6 janvier, le ministère a selon le collectif annoncé que cette réforme n’était plus dans ses priorités et qu’il y aurait de nouvelles rencontres pour parler plus largement de la situation du secteur. Une réponse qui ressemble à s’y méprendre à un enterrement du projet…
Eric Demey