La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Woyzeck

Woyzeck - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Etoile du Nord
Eram Sobhani Crédit : DR

Théâtre de l’Etoile du Nord / de Georg Büchner/ mes Eram Sobhani

Publié le 22 février 2016 - N° 241

Après avoir mis en scène avec succès Léonce et Léna à L’Etoile du Nord en 2012, Eram Sobhani tient avec Woyzeck une grande idée force : « en s’enfonçant dans la vie du plus humble des êtres »,  donner à voir et à entendre ce que nos sociétés ne veulent plus ni voir ni entendre.

« Büchner nous donne à voir un monde empreint de solitude et de violence, où gravitent des silhouettes inquiétantes, des fous, des femmes de mauvaise vie, des nourrissons, des hommes chevaux, des alcooliques, des assassins. Des silhouettes sur lesquelles pèse le soupçon de ne pas être humaines, de ne plus l’être réellement. Est-il encore un homme celui que l’on montre dans les foires, celui qui hurle dans la nuit, celle qui vend son corps comme on vendrait du pain ? L’envie de nous tourner vers ce texte de Büchner, et de le monter, est venue d’une prise de conscience qui nous paraît cruciale actuellement et qui emprunte beaucoup à nos yeux à celle que Robert Antelme explorait déjà dans L’espèce humaine. Dans cet ouvrage sur les camps de concentration, l’idée force rappelle que le projet nazi ne fut que le grossissement extrême de logiques présentes dans nos propres sociétés, et qu’il avait comme visée essentielle de nier l’humanité de certains hommes. Si à l’instar de figures majeures du paysage politique contemporain, nous faisons de certains membres de la communauté humaine des monstres, des personnes à la lisière de l’humanité, ne participons-nous pas nous-mêmes d’une entreprise de déshumanisation qui nous ôte aussi notre humanité ?

A la recherche d’un nouveau théâtre

A mes yeux le théâtre a pour vocation de donner à voir et à entendre ce que l’on ne peut plus voir ou entendre. L’effet cathartique qui lui est propre peut nous permettre de nous ‘réconcilier’, en montrant nos pulsions assassines pour mieux les exorciser, et nous regarder pour ce que nous sommes : à la fois merveilleux et terribles. Woyzeck nous amène à ouvrir grand les yeux sur ce – et ceux – que nous ne parvenons pas à regarder. Il nous travaille pour que l’on soit en mesure de voir enfin. Pour nous mettre en phase avec le propos, il nous a semblé nécessaire de chercher une forme dramatique à la lisière du théâtre. Comment faire du théâtre pour ceux à qui la dignité humaine est refusée, pour ceux qui n’ont pas de voix ? Nous revendiquons un théâtre populaire qui puise à des sources d’inspirations diverses. Sur le plateau, nous sommes neuf comédiens. Plusieurs d’entre nous sont chanteurs, danseurs, acrobates, marionnettistes ou musiciens. Souvenirs d’un théâtre bourgeois avec les rideaux rouges et les scènes discursives du capitaine ou du docteur. Inspiration foraine et inspiration expressionniste pour rendre compte d’une réalité hallucinée. C’est bien à la recherche d’un nouveau langage et d’un nouveau théâtre que Büchner nous invite ».

Marie-Emmanuelle Galfré

 

A propos de l'événement

Woyzeck
du vendredi 4 mars 2016 au samedi 26 mars 2016
Théâtre de l’Etoile du Nord
16 Rue Georgette Agutte, 75018 Paris, France

Les mercredis et vendredis à 20h30, les mardis et samedis à 19h30. Relâche exceptionnelle le 18 mars. Durée : 1h20. Reprise exceptionnelle des « Soliloques du pauvre » de Jehan-Rictus, mis en scène et interprété par Eram Sobhani, les jeudis 10, 17 et 24 mars à 19h30. Tél : 01 42 26 47 47.

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