La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Voyageurs Immobiles

Voyageurs Immobiles - Critique sortie Théâtre
Crédit : Pascal François Légende : « Formatage à l’infini des hommes privés de liberté. »

Publié le 10 juin 2010

L’humour, la dérision et la joliesse des images, combinée à l’intégrité politique du spectacle, ne suffisent pas à donner aux Voyageurs Immobiles de Philippe Genty et Mary Underwood l’émerveillement et l’enchantement tant attendus.

Amador Artiga, Marjorie Currenti, Marzia Gambardella, Manu Kroupit, Pierrick Malebranche, Angélique Naccache, Lakko Okino et Simon T Rann, les interprètes sont nombreux à arpenter le plateau de Philippe Genty et de Mary Underwood. Venus des quatre coins de la planète, ils sont de magnifiques acteurs, danseurs, manipulateurs d’objets et marionnettistes, des créatures énigmatiques, des apparitions de contes de fées ou de cauchemars qui plongent dans une mer de matière plastique ou bien s’enferment dans des boîtes de carton gigogne de déménagement sans fin. Une métaphore filée des enfermements et privations de liberté morale ou physique. Des bras, des jambes, des têtes coupées, des prothèses, la créature humaine est mise à mal en ce monde. On ne sait plus qui l’on est dans l’agitation des contrôles identitaires. Se produit un Massacre des Innocents avec découverte d’un bébé plastique dans un chou, bébé qui se démultiplie à l’infini et qu’on envoie dans les airs en boulet de canon, façon cirque, avant de le faire passer à la machine à « conditionner », comme une escalope de veau sous film plastique. La caricature dénonce les carnages des guerres, mais elle ne convainc pas.
 
Marionnette fragile
 
Plus tard, on retrouve le linceul de plastique dans lequel on enferme les victimes naufragées de bateaux fuyant la misère de leur terre d’origine. L’emballage hyperbolique propre à nos sociétés consuméristes, papier kraft, carton et sacs plastique, se déplie et se déploie à l’infini, dénonçant une civilisation du déchet, de la chute et du débris. Par-delà le désert biblique, des buildings urbains surgissent dans la résonance de l’ouverture des marchés en bourse. Les scènes finales révèlent enfin la verve esthétique et le brio plastique auxquels nous ont habitués Genty et Underwood. Le chœur des acteurs en marche parcourt le monde et le temps, balançant les bras et les jambes, soutenant une marionnette fragile. Nue, puis portant l’appareillage de fer du chevalier moyenâgeux jusqu’à la tenue actuelle de l’homme en costume cravate dont le ventre sous la chemise blanche grossit de satisfaction avec les années, la poupée humaine n’hésite pas à marcher sur plus faible qu’elle. L’imaginaire, l’onirisme et le songe sont l’étoffe même sur laquelle travaillent les papiers, cartons et plastiques de ces Voyageurs Immobiles. Le spectacle brillant dans ses créations plastiques ne renouvelle cependant pas  la source précieuse qui semble s’épuiser.
 
Véronique Hotte


Voyageurs Immobiles ; mise en scène de Philippe Genty et Mary Underwood. Du 27 mai au 27 juin 2010 à 20h30. Dimanche 15h, relâche lundi, supplémentaires samedi 15h. Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris Tél : 01 44 95 98 21. Durée : 1h30. Spectacle vu au Théâtre Romain Rolland de Villejuif.

A propos de l'événement


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