Festival Mesure pour mesure

Au Nouveau Théâtre de Montreuil, l’heure est au bilan. Alors qu’il s’apprête à quitter la direction du lieu, le metteur en scène Mathieu Bauer se penche notamment sur le cas du festival Mesure pour Mesure, qui fut au cœur de son projet. Dédié aux formes hybrides, entre théâtre et musique, ce rendez-vous a largement contribué à façonner l’identité singulière du NTM, à affirmer son ouverture à des formes par ailleurs encore assez peu présentes sur nos scènes. « Au fil du temps, ce ne sont pas moins de 98 projets qui ont été proposés sur les deux plateaux du Nouveau Théâtre de Montreuil : 57 spectacles de théâtre et musique, dont 21 créations, 41 concerts, 2 rencontres internationales du théâtre musical, 1 temps fort radiophonique », dit le directeur. Sans compter la 9^ème et ultime édition du festival, qui du 10 novembre au 31 décembre 2021 clôturera sur de belles notes et de belles images une histoire faite de rencontres souvent inattendues. Les spectacles au programme cette année ajoutent de nouvelles surprises à toutes celles qui ont battu la mesure de l’aventure montreuilloise.

Du sens et du son

Ouvert à bien des formes, c’est par un spectacle plus chorégraphique que théâtral que s’ouvre le rendez-vous. Avec Mal – Ivresse divine, la chorégraphe Marlene Monteiro-Freitas, originaire du Cap-Vert et implantée au Portugal, questionne le Mal par le geste qu’elle déploie sur une bande-son éclectique. Comme Halory Goerger, qui avec Four for nous propose un voyage initiatique dans le cerveau du compositeur Morton Feldman, plusieurs artistes de Mesure pour Mesure font de la musique leur sujet central. C’est le cas d’Alessandro Bosetti, dont Portraits de voix explore les mystères de la musique vocale. Dans Le Joueur de flûte de Joachim Latarjet, cet art est aussi central : face à une parole mensongère, il incarne la possibilité de la joie et de la liberté. Son et fiction font aussi bon ménage dans Black village, adaptation du texte éponyme d’Antoine Volodine par l’ensemble l’Instant Donné et par Frédéric Sonntag. Tout aussi étrange, bien que différemment, est l’univers de Lionel Dray et Clémence Jeanguillaume dans Ainsi la bagarre, qui s’inscrit dans la tradition de l’énigme. Dans Chansons sans paroles, Tom Luz compose quant à lui le tableau vivant d’une catastrophe. Tandis que Mathieu Bauer s’intéresse d’un côté avec Sylvain Cartigny à une figure américaine de l’ultralibéralisme, Ayn Rand, de l’autre à l’univers baroque du cinéaste Federico Fellini et de son complice le compositeur Nino Rota. Au carrefour de la musique et du théâtre, c’est le monde qu’on rencontre, sous toutes ses formes.

Anaïs Heluin