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Avignon / 2013 - Entretien Katie Mitchell
Après Christine (2011) et Les Anneaux de Saturne (2012), Katie Mitchell revient au Festival d’Avignon avec Voyage à travers la Nuit de Friederike Mayröcker, auteure autrichienne méconnue en France, qu’elle adapte et met en scène.
Qu’aimez-vous chez cette auteure et dans son écriture ?
Katie Mitchell : Friederike Mayröcker est un écrivain injustement méconnue, qui toute sa vie a inscrit son parcours discret dans une grande rigueur et une grande exigence intellectuelles, et a su créer une très belle langue poétique. Dans cette pièce, elle déploie non pas un langage féminin, mais une pensée féminine, une pensée en mouvement. Dans un train de nuit entre Paris et Vienne, la narratrice, interprétée par Julia Wieninger, s’apprête à écrire un discours pour les funérailles de son père. De façon fragmentaire et fugace, les souvenirs affleurent et la perturbent… J’aime profondément cette œuvre. Il n’y a pas de personnages, pas de dialogue, mais un paysage littéraire, un univers mental, avec toutes ses pensées et émotions intérieures.
Comment avez-vous procédé pour l’adaptation et la mise en scène ?
K. M. : Le roman est comme une jungle mentale à travers laquelle il a fallu se frayer un chemin avec des couteaux très aiguisés ! Comme un détective, nous nous sommes efforcés d’assembler les morceaux épars, de mettre en forme les pensées. Nous avons ainsi pris des décisions simples concernant la vie de cette femme, à propos des traumatismes de son enfance, et à propos de sa relation amoureuse, pas particulièrement heureuse. Grâce à un dispositif technique sophistiqué, utilisant notamment cinq caméras, nous avons installé sur la scène un compartiment de train donnant l’impression du mouvement. Les souvenirs apparaissent à travers des images projetées, des images subjectives filmées du point de vue d’un enfant qui regarde ses parents.
Pensez-vous que le théâtre soit un bon moyen de transmettre la vie intérieure des êtres ?
K. M. : Oui, mais le langage ne peut y parvenir seul. Les sons, les images, le jeu, la scénographie doivent pour cela conjuguer leurs effets de façon subtile et délicate. C’est un exercice très difficile, mais c’est là que je place mon ambition : dans cette tentative de saisir l’insaisissable, de saisir ce qui se joue à l’intérieur de cette femme.
Propos recueillis et traduits par Agnès Santi
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