« From England with love » d’Hofesh Shechter, une ode sombre et percutante aux paradoxes britanniques
Hofesh Shechter reprend From England with [...]
Danse contemporaine - Critique
Jan Martens rend hommage aux femmes chanteuses et compositrices, mais cherche encore la voie des corps pour mieux délivrer l’enjeu politique de sa proposition.
La nouvelle création de Jan Martens prend sa source dans le texte de la canadienne Anne Carson, Le genre des sons, qui dénonce la mise sous silence des femmes. D’où une incroyable bande sonore réalisée à travers des morceaux musicaux de compositrices et chanteuses : treize perles où les voix se succèdent dans d’infinies variations, livrées à la face d’un public et qui sert de point de départ à la danse. Treize résonances qui vibrent plus encore dans un contexte international où le musèlement des femmes s’aggrave. Jan Martens choisit un rapport danse-musique – ou plutôt corps-voix – qui cherche la complicité, qui produit le dialogue mais jamais la démonstration. Sur la base de variations individuelles, les danseurs et danseuses signent des solos qui se succèdent, se chevauchent, vont et viennent vers les spectateurs, se répondent. Les gestes des bras et des jambes s’orchestrent sur les modulations de la voix, cherchent leur angulation, assoient leur musicalité sur le rythme de la voix plutôt que sur celui de la musique. Ici, pas d’illustration, la chanson du corps n’est pas une chanson de gestes, et il faudra trouver ailleurs le sens des états de corps qui se succèdent, jamais exubérants, toujours circonscrits à un espace du corps proche de soi.
Un environnement lumineux mouvant
Sur la piste de danse carrée aux reflets noirs, une seule séquence propose un mouvement d’ensemble, de pas chassés, sautillés et balancés de droite à gauche, et qui se dissocient ensuite dans l’espace et dans le temps. Puis les danseurs retournent à leurs états de corps, qui négocient leur propre transformation par la musique, dans un magnifique environnement lumineux, toujours mouvant. Devant la puissance de la voix, et la force des sons, des bruitages ou des souffles apportés pas la musique, il est surprenant de voir que Jan Martens ne pousse pas le corps dans ses retranchements. Clairement, le corps dansant ne fait pas autant de bruit que la voix (Voice noise = le bruit de la voix) des femmes invitées dans cet espace sonore, et reste en retrait. Il manque une dimension à la danse que le corps réfrène. Il lui faut alors lui-même pousser de hauts cris ou de sidérants râles pour donner à ressentir quelque chose de saisissant. Puis, un lancinant et mécanique rythme de beatbox provoque un adage, tandis que le spectacle s’achève, dans le silence.
Nathalie Yokel
à 20h, sauf le samedi à 15h. Tél. : 01 42 74 22 77.
Hofesh Shechter reprend From England with [...]