La Faculté des rêves, d’après Sara Stridsberg, mise en scène de Christophe Rauck
Christophe Rauck s’empare de la puissance [...]
Spectacle rituel, lamento funèbre en l’honneur de sa mère défunte, Madre d’Angelica Liddell propose une expérience théâtrale extrême.
Confrontée à la mort de ses deux parents, à peu de temps d’intervalle, Angelica Liddell a bâti un diptyque leur rendant hommage, Una costilla sobre la mesa : Madre sera joué en alternance avec Padre pendant un mois au Théâtre de la Colline. Un événement, comme toutes les apparitions de l’artiste espagnole sur nos scènes, celle dirigée par Wajdi Mouawad témoignant à cette dernière d’une remarquable fidélité. D’après le dossier de presse, Madre et Padre relèvent tous les deux d’un théâtre cérémoniel, le premier puisant son inspiration dans les rites religieux d’Estrémadure, région d’origine de la mère d’Angelica Liddell, tandis que le deuxième prendra un tour davantage philosophique en s’appuyant sur des écrits de Gilles Deleuze. En effet, Madre, que nous avons découvert à Lausanne, est un long lamento funèbre qui s’organise notamment autour du rite des empalaos de Valverde de la Vera. On voit ainsi au cœur du spectacle l’artiste performeuse se faire nouer à une croix par une corde, comme lors de ces fameux empalaos, une séance lente et oppressante à l’image d’un spectacle qui appuie ses effets.
Quand le cri remplace les mots
A l’horizon, un théâtre cathartique, qui renoue avec les cérémonies religieuses d’antan et d’ailleurs, quelque chose de ce fameux théâtre de la cruauté porté par Artaud, référence régulière des travaux de Liddell. Et derrière cet horizon, l’exploration des pulsions enfouies, des blessures inguérissables et des angoisses inexpugnables, parmi lesquelles notre rapport à la mort. On peut se réjouir de l’intégrité, voire de la radicalité, de la proposition de l’artiste espagnole. On peut même certainement être happé par cette cérémonie tripale, où le cri remplace les mots parce que « les mots ne correspondent jamais à ce qu’ils s’efforcent d’exprimer » comme l’écrivait Faulkner dans Tandis que j’agonise convoqué sur scène par Liddell. On peut également être sensible à la beauté des costumes traditionnels, à celle du chant déchirant de Nino de Elche, de la danse aux accents butô d’Ichiro Sugae. A ce mélange d’esthétique baroque, traditionnelle et surréaliste à la fois. Mais l’on peut aussi s’épuiser des propos hermétiques, puis des plaintes interminables de l’artiste espagnole. L’on peut se poser des questions sur l’exhibition de sa douleur, sur l’instrumentalisation des « figurants » longuement immobiles sur des chaises, sous des draps. L’on peut s’interroger sur ce qu’il y a là à partager, sur la place que peut occuper le spectateur face à un torrent doloriste ultra sonorisé. On peut. L’universelle douleur de la perte d’une mère, la singulière culpabilité de l’enfant quand il n’est plus possible de se réconcilier, la déréliction de l’individu moderne privé de Dieu par nul autre que Liddell ne seront ainsi traduits.
Eric Demey
Le samedi à 20h30, le dimanche à 15h30. Tel : 01 44 62 52 52. Durée : 1h30. Spectacle vu lors du festival Programme Commun à Lausanne.
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