Buchettino par la Societas Raffaello Sanzio
La Societas Raffaello Sanzio emporte petits [...]
A travers les désillusions d’une famille américaine de la fin des années 1940, Mort d’un commis voyageur renvoie à l’effondrement du rêve américain. En mettant aujourd’hui en scène cette pièce d’Arthur Miller, souhaitez-vous porter un regard sur la crise économique qui secoue le monde depuis 2008 ?
Claudia Stavisky : Complètement. Cette pièce qui, par le passé, a souvent été considérée en France comme une œuvre un peu démodée, un peu folklorique, apparaît aujourd’hui, à la lumière de la crise qui nous touche, comme une œuvre universelle, une œuvre brûlante d’actualité. Car, comme c’est le cas dans Mort d’un commis voyageur, chacun d’entre nous réalise aujourd’hui que le rêve de la prospérité s’est ensablé, que nos enfants ne vivront pas mieux que nous avons vécu. A travers le destin de Willy Loman, un homme de 60 ans qui perd son travail et doit faire face au poids écrasant de ses dettes, c’est la transformation sociale colossale que nous sommes en train de vivre qui nous saute au visage. Il y a encore quelques années, la perspective d’une fin de vie sans retraite nous semblait lointaine, abstraite. Cette possibilité devient, hélas, de plus en plus concrète. La pièce d’Arthur Miller agit comme un miroir. Elle nous renvoie l’image de notre propre présent, en usant pour cela d’une poésie et d’une théâtralité de toute beauté.
« La pièce d’Arthur Miller nous renvoie l’image de notre propre présent. »
Quels chemins cette poésie et cette théâtralité empruntent-elles ?
C. S. : Il y a une vérité profonde dans Mort d’un commis voyageur, un envol poétique et lyrique permanent qui évite à cette pièce de tomber dans la noirceur absolue, dans la dépression. Car on ne se situe ni dans la tranche de vie, ni dans la dureté réaliste du théâtre allemand, mais dans la perspective très particulière d’un réalisme magique : un réalisme à la fois fortement influencé par le théâtre politique (Brecht n’est pas très loin) et constamment porté par un souffle épique, un souffle d’élévation. En puisant tout autant dans la simplicité du quotidien que dans la puissance de l’imaginaire, Arthur Miller rejoint toute la grandeur, toute la profondeur du théâtre de Shakespeare ou du théâtre grec.
Par le biais de quel prisme scénique donnez-vous corps à ce réalisme magique ?
C. S. : Je crois que les acteurs doivent jouer cette pièce sans préconçu, dans la plus grande liberté, la plus grande instantanéité possible. Ce qui compte, ce sont les corps dans l’espace. Pour cela, Alexandre de Dardel (ndlr, scénographe du spectacle) et moi avons travaillé sur un espace concret de l’ordre de l’espace vide. Dans cet espace, les lignes du réel apparaissent de manière très fine, elles ne renvoient à aucune image illustrative ou narrative. A l’intérieur de cet espace, les premières choses que l’on voit sont donc les corps des comédiens. Des corps qui se situent de plain-pied dans le vivant, qui restituent la force des situations, la qualité des affrontements auxquels font face les personnages.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Célestins – Théâtre de Lyon, 4 rue Charles-Dullin, 69002 Lyon. Du 5 au 31 octobre 2012. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél. : 04 72 77 40 00. www.celestins-lyon.org. Egalement du 14 au 16 novembre 2012 au Karvan Théâtre de Chassieu, les 22 et 23 novembre à l’Espace culturel Jean-Carmet de Mornant, du 11 au 14 décembre à la Comédie de Picardie.
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