La Barque le soir : une plongée hypnotique dans l’univers de Tarjei Vesaas
Silences, pénombre, fulgurances : Claude Régy [...]
Guidée par Bruno Bayen, Emmanuelle Lafon porte en virtuose l’écriture de Clarice Lispector et nous entraîne dans son voyage intérieur.
« Un corps séparé des autres, et c’est cela qu’on appelle « moi » ? C’est étrange d’avoir un corps où se loger, un corps où du sang humide coule sans arrêt, où la bouche sait chanter, et les yeux bien souvent ont dû pleurer. »… Elle est ainsi, Clarice Lispector (1920-1977) : sans cesse s’étonne du monde et glisse son regard dans l’interstice des évidences pour explorer les béances du sens. Elle dérive en rêverie au gré du flot des mots, serpente dans l’ombre des jours qui passent, vagabonde et sans doute se trouve, l’espace d’un instant, dans les plis d’une pensée qui accroche les menus faits du quotidien au cosmos. Elle aime à raconter, elle parle de processions de fourmis, de poissons qui meurent, de conversation avec les chauffeurs de taxi, de rencontre avec une tenancière de bordel, de Dieu, de la poule et de l’œuf… Et cerne à petites touches les contours d’un moi insaisissable qui toujours se dérobe et s’enfouit au creux de la vie, dans l’épais mystère des choses.
Entre prosaïsme et métaphysique
Découpant des extraits dans les chroniques que Clarice Lispector publia de 1967 à 1973 dans O Jornal do Brasil, un des principaux quotidiens de Rio de Janeiro, Bruno Bayen a tissé un récit qui avance par digressions, bifurcations et rebonds, au risque souvent de se perdre entre les mailles. Il fallait une comédienne d’une agile vivacité et délicate justesse pour cheminer dans les méandres de ce voyage intérieur, tour à tour fantasque, mystique et prosaïque. Emmanuelle Lafon a ce talent. Elle s’aventure dans l’intimité de l’écrivain brésilienne et suit les tours et détours de cette écriture primesautière, enchaînant avec drôlerie et naturel bouts de conversations, confidences, considérations métaphysiques, parfois naïves, aphorismes abrupts et interrogations. De temps à autre, un homme la rejoint (Vladimir Kudryavtsev), l’accompagne un moment, et puis s’en va, furtivement, la laissant tout entière plongée dans ses lointaines flâneries. « C’est comme si j’avais conclu avec Dieu le pacte suivant : voir et oublier pour ne pas être foudroyée par le savoir. » dit-elle…
Gwénola David
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