Tribus de Nina Raine, mis en scène par Mélanie Leray

« Tribus raconte l’histoire d’un couple d’universitaires, Beth et Christopher, deux écrivains proches de la retraite qui vivent encore avec leurs trois enfants. L’aîné, Daniel, qui avoisine la trentaine, écrit une thèse sur le langage. Ruth, qui a 22 ans, essaie de faire carrière en tant que chanteuse d’opéra. Quant au cadet, Billy, qui est sourd, il vient de terminer ses études. Malgré son handicap, il a appris à oraliser et à lire sur les lèvres. Mais il ne connaît pas la langue des signes. La pièce s’articule autour de la rencontre de ce personnage avec Sylvia, une jeune femme entendante qui a grandi avec des parents sourds. Ainsi, c’est elle qui va initier Billy au langage des signes et l’introduire dans la communauté des malentendants. Tous deux sont attirés et fascinés par la culture et l’éducation de l’autre. L’arrivée de Sylvia dans cette famille enfermée dans ses règles et ses codes va agir comme une bombe. L’auteure anglaise Nina Raine est presque totalement inconnue en France. Jusqu’à présent, ses textes n’avaient encore jamais été traduits ou mis en scène dans notre pays.

Un humour caustique

Pourtant, Tribus (ndlr, pièce écrite suite à une commande du Royal Court Theatre) a rencontré beaucoup de succès et a obtenu divers prix en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis. Ce que je trouve particulièrement intéressant dans cette écriture, c’est qu’elle parvient à nous faire réfléchir, sans en avoir l’air, à des questions profondes et importantes. Elle nous interroge, par exemple, sur ce qui met chacun d’entre nous en relation avec la pensée, avec ses émotions, avec l’autre… Elle pose la question du langage. Avec quoi communique-t-on ? Une façon de s’exprimer peut-elle être considérée supérieure à une autre ? A quoi sert l’éducation si elle ne produit pas plus d’humanité entre les êtres ? Toutes ces questions apparaissent à travers une forme d’humour très caustique. A la fois cyniques et égoïstes, souvent perdus, convaincus de la supériorité de leur culture, les personnages de Tribus font de la famille l’un des premiers lieux de violences et d’inégalités. »

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat