La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Trahison

Trahison - Critique sortie Théâtre Nogent-sur-Marne La Scène Watteau
DR Fabrice Pierre dans le rôle de Robert.

La Scène Watteau / de Harold Pinter / texte français, scénographie et direction Nicolas Liautard

Publié le 25 janvier 2018 - N° 262

Nicolas Liautard met en scène et interprète avec Fabrice Pierre et Marie-Hélène Roig la partition de Pinter qui se déploie en flash-back successifs. Dans un entre-deux entre incarnation et distanciation.

Emma : « Tout ça semble… » Jerry : « …tellement loin. » Emma : « Ah bon ? » Alors qu’ils ne se sont pas vus depuis deux ans, Emma et Jerry se rencontrent, suite à un appel d’Emma. Pendant sept ans, ils ont entretenu une liaison supposée secrète en se retrouvant dans un appartement de Wessex Grove. Emma est mariée avec Robert, le meilleur ami de Jerry. Ce dernier aussi est marié, avec Judith, si occupée (par son travail à l’hôpital, dit-on) qu’elle est totalement absente du déroulé de l’intrigue. Chacune des familles a des enfants. L’originalité de la pièce d’Harold Pinter est de commencer par la fin, puisqu’après cette scène de retrouvailles, l’écriture procède par flash-back successifs, de 1977 à 1968, avec des motifs récurrents, dont une scène comme une madeleine de Proust. Elle réside aussi dans sa manière de cultiver l’ambiguïté et de subtils décalages, d’esquisser de manière ténue des pistes entre les mots, de brouiller sans cesse la frontière entre le certain et l’incertain, la vérité et le mensonge. Une partition économe et très ardue pour les comédiens, tant elle se démarque des codes habituels du réalisme, et nécessite un équilibre particulier entre incarnation et distanciation, bien loin des vaudevilles virevoltants explorant le triangle amoureux. Les comédiens ici ne jouent pas sur l’émotion mais font émerger au détour des répliques l’absence de certitude, une forme de relativisme, d’hypocrisie insidieuse, sans que cela ne cause d’éclat ou de drame. Un drôle d’entre-deux qui fonctionne, malgré certains passages moins réussis que d’autres.

Un entre-deux sinueux

Fabrice Pierre dans le rôle de Robert est parfait, dans son rôle de mari (trompé et trompeur) et, surtout, dans une sorte de surplomb ou de flegme ironique qui structure la partition théâtrale. Marie-Hélène Roig dans le rôle d’Emma parvient à décliner toutes les nuances et les contrastes de son personnage. Nicolas Liautard interprète Jerry dans une sorte de réserve désabusée. Dans sa traduction, il a choisi pour titre le singulier (comme d’ailleurs dans la version initiale, Betrayal) plutôt que le pluriel consacré en français. Comme dans ses précédentes mises en scène, il privilégie l’épure, sans chercher à masquer ce qui construit l’artifice théâtral. Quelques meubles des années 1970, des lumières qui se modulent, des musiques qui sonnent bien, et l’alcool dont on dit qu’il sert à tuer les microbes. L’alcool qui coule en permanence, mais toujours avec beaucoup de tenue et de légèreté, comme il se doit dans un tel milieu. Car Emma est galeriste, Robert éditeur, Jerry agent littéraire, avec en ligne de mire leur chiffre d’affaires. Une pièce acérée et sinueuse, qui enfouit l’amertume sous le tapis. A voir !

Agnès Santi

A propos de l'événement

Trahison
du vendredi 19 janvier 2018 au mardi 30 janvier 2018
La Scène Watteau
place du Théâtre, 94130 Nogent-sur-Marne.

Du 19 au 30 janvier 2018, du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h et 20h30, le dimanche à 15h, relâche le lundi. Tél. : 01 48 72 94 94. Durée : 1h30.

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