La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Marys’ à minuit

Marys’ à minuit - Critique sortie Théâtre Bordeaux TnBA – Théâtre du Port de la Lune
Martine Thinières dans Marys’ à minuit. © Frédéric Desmesure

Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / de Serge Valletti / mes Catherine Marnas

Publié le 25 janvier 2018 - N° 262

Vingt après sa mise en scène de Marys’ à minuit de Serge Valletti, Catherine Marnas, directrice du Théâtre de Bordeaux en Aquitaine, revient à ce soliloque d’une femme seule à l’âme d’enfant et au langage fantasque. Un touchant personnage auquel Martine Thinières prête toute sa délicatesse.

Dans une robe de plastique bulle d’où dépassent un pyjama fuchsia et des ballerines en plastique, une perruque rose bonbon sur la tête, Martine Thinières est une Maryse à l’image de la scénographie composite de Carlos Calvo : perdue quelque part entre l’enfance et l’âge adulte. Dans ses rêves qui lui permettent d’échapper à sa solitude et à sa différence. Assise au milieu d’un fourbi de mange-disques, de poupées et de robes de mariée recouvertes de bâches, la comédienne attend un peu avant d’entrer dans le texte de Marys’ à minuit (Éditions L’Atalante, 2004) de Serge Valletti. Elle gesticule. Remue ses mains en une sorte de langue des signes très intime. Elle sourit dans le vague, comme pour savourer ses retrouvailles avec le personnage. Vingt ans ont passé depuis que Catherine Marnas l’a pour la première fois dirigée dans ce soliloque, et le plaisir de Martine Thinières à porter la parole de Maryse est toujours manifeste. Bien que sans doute différent. Car si la pièce de Serge Valletti n’a pas pris une ride, le visage de la comédienne, lui, a pris les marques du temps. La Maryse d’aujourd’hui n’est donc plus tout à fait celle d’hier. Son décalage avec le réel s’est transformé. Il a maintenant un goût d’irrémédiable.

Grande fille princesse

Bien qu’étalé sur l’ensemble du plateau, le désordre onirique qui s’offre au regard du spectateur dit d’autant mieux l’isolement de la protagoniste que l’actrice le fait vivre par de menues actions. La parole imagée et fantasque que Serge Valletti met dans la bouche de son héroïne fait le reste. Comme la plupart des personnages de cet auteur habitué à prêter sa plume aux invisibles de nos sociétés, Maryse a en effet une expression bien à elle. Une drôle de gouaille qui la sépare du monde « normal », où se mêlent le fabuleux du conte de fées, le sentimentalisme de la chanson populaire – les mange-disques avalent entre autres Petite fille de Jean-Jacques Goldman et L’Été indien de Joe Dassin – et la violence de son environnement quotidien et de ses voisins. Un certain « Mac Laren » aussi, qu’elle attend soir après soir. Nostalgique d’une histoire d’amour qu’elle s’est sans doute en partie inventée entre deux visites à l’hôpital psychiatrique. En s’appuyant sur cet imaginaire hybride, Martine Thinières parvient à mettre de la lumière dans l’évidente détresse de Maryse. Et à transmettre toute la poésie étrange de son langage. Son absurde qui, davantage qu’un indice de folie, est une protection contre la cruauté de l’époque.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Marys’ à minuit
du mardi 23 janvier 2018 au vendredi 9 février 2018
TnBA – Théâtre du Port de la Lune
Place Pierre Renaudel, 33800 Bordeaux

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h. Tel : 05 56 33 36 80. www.tnba.org

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