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Opéra - Critique

Thomas Adès présente « The Exterminating Angel » dans la mise en scène de Calixto Bieito : une imposante opulence de moyens

Thomas Adès présente « The Exterminating Angel » dans la mise en scène de Calixto Bieito : une imposante opulence de moyens - Critique sortie Classique / Opéra Paris Opéra Bastille
Légende : The Exterminating Angel de Thomas Adès, mis en scène par Calixto Bieito Crédit : Agathe Poupeney / OnP

OPERA BASTILLE / Direction Thomas Adès / Mise en scène Calixto Bieito

Publié le 20 février 2024 - N° 319

Thomas Adès dirige la première française de son troisième opéra The Exterminating Angel, inspiré par un film homonyme de Buñuel. Dans la mise en scène de Calixto Bieito, ce huis clos dispendieux démontre une évidente maîtrise des ressources du genre lyrique, tant dans la palette vocale que dans le foisonnement de l’écriture orchestrale.

Après un premier opus de chambre, Powder Her Face en 1994, puis dix ans plus tard The Tempest, The Exterminating Angel, créé en 2016 au Festival de Salzbourg, confirme le succès et la place de choix de Thomas Adès dans le paysage lyrique. La générosité de l’écriture du compositeur britannique, tant dans la facture vocale que dans la magie des timbres orchestraux, n’y est pas pour rien. La première française de son troisième opéra, sous sa baguette, et l’accueil du public de l’Opéra Bastille ne le démentiront pas. Sur un livret de Tom Cairns qui adapte le film de Buñuel, El Angel exterminador, la partition déploie une large palette expressive : sur scène, avec des tessitures qui n’hésitent pas à tutoyer les limites hystériques du colorature, à l’exemple de la cantatrice Leticia Maynar, incarnée par Gloria Tronel ; dans la fosse, et parfois en spatialisation avec les chœurs, où les murmures des bois graves se mêlent aux glissandi surréels des ondes Martenot sous les doigts de Nathalie Forget, avec un sens de la théâtralité qui sait alterner les couleurs et les textures d’une pâte musicale riche, à l’indéniable souplesse.

Une opulence de moyens

La vingtaine de solistes, parmi lesquels se distinguent l’émérite Hilary Summers, l’hôte Edmundo campé par un Nicky Spence mordant ou l’évanescence du jeune contre-ténor Anthony Roth Costanzo, affirme une belle cohésion dans cette galerie de riches personnages – habillés de satins élégants par Ingo Krügler – chez lesquels l’enfermement va progressivement écailler le vernis social jusqu’au bord des abysses d’animalité. Dans la scénographie unique d’une salle de réception toute blanche dessinée par Anna-Sofia Kirsch, Calixto Bieito fait mijoter la violence, au gré des variations d’éclairage réglées par Reinhard Traub qui accompagnent le glissement vers le délire – et avec une certaine retenue dans la crudité par rapport à d’autres productions de l’Espagnol. Mais la logorrhée du livret, censée détailler les dérapages hors des convenances logiques, finit par diluer les effets d’humour et de citations disséminées dans le texte, avec un sentiment de gratuité que l’on retrouve devant le dispendieux étalage de moyens musicaux, confortant l’idée qu’une création contemporaine réussie ne peut l’être qu’à gros renfort de deniers – et de quelques facilités. L’opulence qui accompagne le talent impressionnant d’Adès  peut sans doute tenir lieu de personnalité musicale, à défaut d’ouvrir des horizons singuliers au genre lyrique.

Gilles Charlassier

A propos de l'événement

The Exterminating Angel
du jeudi 29 février 2024 au jeudi 7 mars 2024
Opéra Bastille
Place de la Bastille 75012 Paris

mars à 20 heures, le dimanche à 14h30. Durée : 2 heures sans entracte. Tél. : 08 92 89 90 90.

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