« Le Premier Artifice », création collective du Cirque Queer, entre poésie, théâtre, clown et militantisme
C’est une proposition qui réussit en alliant [...]
Comédie loufoque qui vire à la farce et laisse percer une mélancolie existentielle, Tachkent bouscule nos repères, touche, réjouit. Avec la précision et la profondeur qu’on lui connaît, Rémi De Vos fait mouche. Il éclaire la fragilité de l’humain et nous parle du monde du théâtre.
À y regarder de loin, on pourrait d’abord prendre Tachkent pour l’une de ces comédies simplistes qui jouent de stéréotypes et de complaisances humoristiques. Il n’en est évidemment rien. Rémi De Vos est un auteur bien trop exigeant, bien trop aigu pour commettre ce genre d’œuvres. Son théâtre — tout en férocité burlesque, en noirceur drolatique, en étrangeté facétieuse — dit le monde dans lequel nous vivons non pas pour faire rire, mais en provoquant le rire. Comme s’il ne pouvait pas faire autrement. Comme si le regard à la lucidité implacable qu’il porte sur les humains, ainsi que sur les travers de notre société, ne pouvait s’exprimer qu’à travers un absurde teinté de désespoir. Le rire, chez Rémi De Vos, est le symptôme d’une sensibilité à fleur de peau, d’une révolte sourde, étouffée. Une révolte contre la solitude. Une révolte contre la mort. Tachkent (texte publié chez Actes Sud – Papiers) révèle une plongée extravagante dans le monde du théâtre. Si cette pièce à première vue surprend, c’est qu’elle commence en trompe-l’œil. Rémi De Vos s’amuse à lancer des fausses pistes, pour finalement tendre un miroir à sa propre existence en nous parlant de la condition d’auteur dramatique, des rapports de soumission et de domination qui se nouent entre les différents protagonistes des créations théâtrales.
Des femmes et des hommes excessifs
Quatre personnages entrent sur le plateau. Il y a un auteur dramatique (Hervé Pierre), double de Rémi De Vos qui, comme lui, a la particularité de n’écrire qu’en répondant à des commandes. Cet artiste aux airs enfantins et pathétiques cesse un jour, subitement, de s’adresser à son entourage, n’ouvrant plus la bouche que pour déverser sa haine des metteurs en scène et son mépris des interprètes. Il y a sa compagne (Valérie Crouzet), une ancienne toiletteuse pour chiens, qui a tout abandonné pour s’occuper de lui, pensant devenir riche après sa mort grâce à ses droits d’auteur. Il y a un comédien raté (Grégoire Œstermann), qui tente de séduire quiconque pourrait (re)lancer sa carrière. Il y a une reine de théâtre (Clotilde Mollet), ancienne épouse du dramaturge, qui cherche à réactiver son sens de la parole en faisant ressurgir son passé. Dans une mise en scène fine et vivante de Dan Jemmett, cette joyeuse mécanique (qui rend hommage au pessimisme hilarant de Thomas Bernhard) se déploie de façon admirable. Le jeu hautement inspiré des comédiennes et comédiens fait le reste. On se prend à aimer ces femmes et ces hommes singuliers, excessifs, ici regardés avec beaucoup de tendresse. En leur compagnie, on chemine sur la ligne de crête d’une cocasserie aventureuse qui redonne ses lettres de noblesse à un genre parfois galvaudé.
Manuel Piolat Soleymat
Du mardi au vendredi à 21h, le dimanche à 15h. Durée de la représentation : 1h20. Tél. : 01 86 47 72 77. www.theatremarigny.fr
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