Sylvain Maurice crée Arcadie d’après le roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam avec Constance Larrieu : une partition drôle et décapante
Reprise / Théâtre de Belleville / D’après Emmanuelle Bayamack-Tam / adaptation et mise en scène Sylvain Maurice
Publié le 25 septembre 2024 - N° 325Sylvain Maurice crée d’après le roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam un monologue théâtral interprété par Constance Larrieu. Faisant fi des normes et des catégorisations, la partition impeccablement menée retrace le cheminement d’une adolescente et interroge la liberté, avec un humour décapant.
Dans le sillage de ses adaptations de romans ou nouvelles, tels Réparer les Vivants d’après Maylis de Kerangal, Penthésilée d’après Heinrich Von Kleist ou encore Short Stories d’après Raymond Carver, Sylvain Maurice porte à la scène le roman hors normes et subversif d’Emmanuelle Bayamack-Tam (éditions P.O.L), Prix du livre Inter 2019, dans une forme qu’il affectionne, celle du monologue, qui accorde à l’interprète une très grande autonomie et permet de révéler avec acuité et nuance le cheminement d’un être. Après Vincent Dissez (Réparer les Vivants) ou Norah Krief (Penthésilée), c’est Constance Larrieu, metteure en scène d’Un Flocon dans ma gorge et interprète dans La 7e Fonction du langage mis en scène par Sylvain Maurice, qui interprète seule en scène le récit. Celui de Farah, une jeune adolescente en pleine métamorphose physique – elle se découvre quelques attributs masculins alors que des organes féminins lui manquent – mais aussi psychique. Elle est en effet amenée au fil de son expérience à remettre en cause ses repères et son mode d’existence, à découvrir ce que signifie concrètement l’exercice de la liberté, l’amour de l’autre, qui toujours, s’articulent à une dimension collective, environnementale. Constance Larrieu s’approprie la partition avec grâce, précision et talent, faisant vivre de belle façon cette part d’enfance qui agit dans le possible du présent, dans une spontanéité et une liberté qui se fient à l’intelligence aiguë et aux désirs puissants de Farah.
La puissance du désir
Avec sa famille dysfonctionnelle, Farah a grandi à Liberty House, phalanstère pastoral et libertaire isolé de la vie moderne et de toute technologie, sorte de repère de freaks et laissés-pour-compte enchanteur où le maître des lieux et « bon berger » Arcady fait disparaître les peurs et prône la tolérance et l’amour libre, y compris avec la jeune Farah, qui n’attend que ça. Ici les corps font la loi, dans une atmosphère hédoniste et joyeuse, sans tralala social. La langue aussi est libre, mêlant le parler jeune, les références à l’histoire littéraire et les clins d’œil à la pop culture. Las, l’arrivée d’un migrant change la donne : l’amour serait-il sélectif à Liberty House ? Les très belles lumières et couleurs de Rodolphe Martin sculptent l’espace, d’abord délimité par une boîte qui enferme et abrite, jusqu’à ce que Farah s’émancipe et s’aventure au-delà de son habitus. Si la pièce traverse des thématiques dans l’air du temps, elle ne les traite pas sur le mode trop habituel de l’injonction ou du commentaire. Farah est avant tout un être au présent, en devenir, qui interroge le monde et ses frères humains avec un humour ravageur.
Agnès Santi
A propos de l'événement
Arcadiedu dimanche 1 septembre 2024 au samedi 30 novembre 2024
Théâtre de Belleville
16 Passage Piver, 75011 Paris.
mercredi, jeudi et vendredi à 19h15, samedi à 21H15, dimanche à 15h. Tél : 01 48 06 72 34. Durée : 1h10. Spectacle vu au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN.