Vive le Sujet ! Tentatives
Ce sont des femmes et hommes chorégraphes, [...]
Nathalie Fillion ausculte le monde d’après la déflagration #MeToo dans une fantaisie poético-hospitalière acérée et tendre, drôle et intelligente, impertinente et iconoclaste. Excellentissime !
Intitulée Les Mots pour le dire, l’autobiographie romancée de Marie Cardinal racontait, en pleine deuxième vague du féminisme, comment le corps des femmes peut devenir symptôme. #MeToo, trente ans après, reprend cette exigence de désignation dans une perspective psychologique (pour soigner les individus) et politique (pour réformer les rapports sociaux). Ces mouvements de dévoilement supposent que la réalité préexiste à la parole et que la seconde révèle la première. Mais les mots ne transcrivent pas seulement ce qui est : ils le créent. Ils donnent une consistance au réel en le représentant. Comment, alors, nommer au plus juste ? Le texte de Nathalie Fillion travaille cette question. Il ne suffit pas de dire les violences faites aux femmes : il s’agit de bien les nommer, sans excès, sans raccourci, sans haine, sans édulcorer non plus, sans cacher la poussière sous le tapis. La parole ne libère pas si elle n’est pas reprise par la réflexion politique : le théâtre, comme agora démocratique de l’élaboration collective du discours, le permet. Nathalie Fillion s’y emploie magistralement, avec autant d’humour que d’intelligence, en disant toute la difficulté de trouver les mots pour dire, en ne cachant rien des incertitudes et des difficultés de cette entreprise. Sous l’aspect d’une fable de science-fiction, d’une comédie musicale légère à la Demy, Sur le cœur tient l’équilibre entre émotion et perspicacité anthropologique avec une acuité fascinante.
Cœur sur la main plutôt que main sur le cœur
Paris, 2027 : dans l’hôpital de La Salpêtrière, où Charcot mettait jadis en scène les symptômes de l’hystérie, mal où les corps éructent quand la parole est tarie, Nathalie Fillion installe une infirmerie nouvelle. L’unité de soin et de recherche post #MeToo est dirigée par la professeure Rose Spillerman, neuropsychiatre farfelue, flanquée de Mario, indéfectible assistant et chef de la chorale de l’hôpital. Le service accueille Iris, qui ne parle plus. Comment faire cesser cet assourdissant silence ? La musique et la danse sont les guides de cette odyssée au féminin, dont la boussole est le conseil de Jacques Lacan à une amie bègue : « si tu ne peux pas le dire, chante-le ». Ce protocole sanitaire original affirme son efficacité par la forme théâtrale choisie : humour et distanciation, dynamitage du quatrième mur, refus de la pesanteur du sérieux et jeu constant entre la lettre et l’esprit. Marieva Jaime-Cortez, Rafaela Jirkovsky, Manon Kneusé, Damien Sobieraff sont époustouflants d’aisance et de drôlerie. Nathalie Fillion envoie valser les poncifs et les frilosités, et choisit la légèreté pour dire le grave. Plutôt que ceux qui, sans vergogne, jurent, main sur le cœur, qu’ils ont réponse aux problèmes que posent les rapports entre les êtres, Nathalie Fillion propose de les interroger sincèrement, cœur sur la main. La mise en jeu des fantasmagories offre une scène cathartique facétieuse et fantasque à la dignité retrouvée. Le féminin, rendu à la fin à sa puissance créatrice, tend une main intelligente à tous les représentants de l’espèce ; le théâtre met l’humain en partage et le social en question. Brillant !
Catherine Robert
à 20h20, relâche les 8 et 15 juillet. Réservations sur place ou en ligne. Durée : 1h40. Spectacle vu au Studio-Théâtre d’Asnières
Ce sont des femmes et hommes chorégraphes, [...]
Dans ce seule en scène, Marie-Claire Neveu [...]
Exploration poétique de l’expérience de la [...]