La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2017 - Entretien / Monique Hervouët

Suivre les morts

Suivre les morts - Critique sortie Avignon / 2017 Avignon Avignon Off. Grenier à sel
Crédit photo : Phil Journé

Grenier à sel / d’Anne Bossé et Elisabeth Pasquier / mes Monique Hervouët

Publié le 25 juin 2017 - N° 256

Avec la complicité des sociologues Anne Bossé et Elisabeth Pasquier, la compagnie Banquet d’avril s’empare de la question de ce que les morts font faire aux vivants. Monique Hervouët met en scène cette enquête et croise ainsi théâtre et sciences sociales.

« Une des fonctions du théâtre est de combattre les stéréotypes. »

Comment définir ce spectacle ?

Monique Hervouët : Comme une expérience artistique qui se propose de croiser théâtre et sciences sociales. L’enquête préexiste au spectacle et étudie ce que les morts font faire et inventer aux vivants, en s’attachant à interroger les comportements d’enfants d’immigrés d’origines maghrébine et turque. Anne Bossé et Elisabeth Pasquier m’ont initialement demandé d’organiser une lecture de leur étude, constituée de nombreux entretiens avec les enfants des morts, mais aussi des professionnels du fret aérien, des thanatopracteurs, des responsables de cimetières. Leur sujet m’a intéressée pour deux raisons.

Lesquelles ?

M. H. : La première, parce que la mort est un sujet escamoté dans la société actuelle. Nous demeurons tous démunis face à elle et au renouvellement des rites, et nous sommes aussi peu enclins à en parler avec les pompes funèbres qu’avec nos proches ! Je crois nécessaire de refaire circuler les mots sur la mort. La seconde, parce que les entretiens avec les descendants d’immigrés mettent en évidence des postures plus complexes que celles qu’on imagine, et des métissages culturels. Les Français issus de l’immigration ne sont pas soit d’ici soit de là-bas, mais portent en eux l’ici et le là-bas, inventant des postures pour être fidèles aux pratiques anciennes en les intégrant à leur propre culture. Cette étude permet donc de porter un regard neuf sur la diversité culturelle.

Comment avez-vous adapté ce texte à la scène ?

M. H. : C’est une forme un peu fresque… Pas une narration mais une mosaïque d’éléments accolés avec des liens sensibles ou thématiques. Ce n’est ni une thèse ni une histoire, mais un voyage en différentes touches et aspects. Pendant presque un an, nous avons mené de nombreuses expérimentations au plateau avec les comédiens (Karim Fatihi, Gilles Gelgon et Delphine Lamand), jusqu’à une forme définitive, sorte de chœur de sociologues qui donne des informations, entrecroisées avec la restitution des paroles recueillies. Une des fonctions du théâtre est de combattre les stéréotypes. Nous avons voulu préserver l’impression qu’il y a, derrière le texte, une personne qui a prononcé ces mots. Le texte est toujours devant les comédiens, dans le respect pour le témoin, sans totales appropriation et incarnation, afin de ne pas effacer que cette parole vient du réel.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Suivre les morts
du jeudi 6 juillet 2017 au dimanche 23 juillet 2017
Avignon Off. Grenier à sel
56 Rue Rempart Saint-Lazare, 84000 Avignon, France

à 14h. Relâches les 10 et 17 juillet. Tél. : 04 90 27 09 11.

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