Sous le plancher de Bénédicte Guichardon : un livre d’images en trois dimensions

Installée derrière une table où des micros cohabitent avec toutes sortes d’objets quotidiens ou non, la musicienne Christine Moreau ouvre Sous le plancher à la manière d’une émission de radio très artisanale. Elle répète son jingle, fredonne une petite musique, se lance dans un bruitage et annonce le sujet de la prochaine émission : le fonctionnement du cerveau, avec une invitée spéciale très calée sur le sujet. Pendant cette brève présentation, le comédien Daniel Collabos, versé dans la marionnette – il travaille notamment depuis 2020 auprès d’Yngvild Aspeli –, se livre à une marche d’enfant désœuvré. Il va bras ballant, tête molle et jambes rechignant à avancer jusqu’à ce qu’apparaisse Laurette Tessier. Toute trace d’ennui, dont la metteure en scène Bénédicte Guichardon a voulu faire le sujet central de ce spectacle destiné au jeune public à partir de 3 ans, disparaît de ses gestes. Christine Moreau l’évoquera une fois seulement au cours de son programme radiophonique, qui lui aussi a tendance à s’amenuiser face aux manipulations d’objets réalisées par les deux comédiens, et aux images qu’elles font naître. Lesquelles n’ont hélas pas assez de cohérence pour remplacer l’ennui dissipé.

Dans ta tête, des mondes

Sans trame narrative, Sous le plancher fonctionne tel un livre d’images en trois dimensions. Au lieu des pages, des trappes qu’ouvrent les deux comédiens pour y découvrir diverses choses dont ils se servent pour créer une situation ou un monde éphémère. Des projecteurs de diapositives donnent lieu à une séance éclair de cinéma. Des flacons et entonnoirs deviennent fontaine merveilleuse et des fleurs éclatantes éclosent bientôt un peu partout sur le plateau. Si certains tableaux sont réussis, si certaines de leurs fabrications sont susceptibles de toucher le public auquel s’adresse la pièce, la pauvreté des liens qui les unit en affaiblit l’intérêt. Les danses, les courses des deux interprètes d’une trappe à l’autre, les interventions sonores de la musicienne et autres tentatives de remplir les espaces séparant une image d’une autre révèlent au lieu de la cacher la faiblesse de Sous le plancher. Faute de vraiment traiter le sujet promis, le spectacle se contente de faire l’éloge de l’imaginaire. Sans parvenir à le susciter.

Anaïs Heluin