Somos

Ils auraient pu rester nos deux stars colombiennes du porté acrobatique, jouant de leur complicité comme de leur virtuosité. Un tandem qui fonctionne à bloc et qui a fait ses preuves dans la Gata Cirko, première compagnie de cirque contemporain colombienne. Mais cela n’a pas suffi. C’est en duo qu’ils ont décidé de partir compléter leur formation au Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne en 2008, et par la suite, de fonder leur compagnie El nucleo (« le noyau », qui symbolise l’unité qu’ils forment à deux). C’est avec Sans arrêt qu’ils commencent à faire parler d’eux : une variation pleine d’humour, qui prend le public à partie pour mieux le mettre dans leur poche, basée sur leur connivence et leurs savoir-faire d’acrobates et de jongleurs. Ce travail en filigrane sur l’identité et la relation à deux s’avère un succès, qui ne les a pas pour autant endormis. La rencontre avec le metteur en scène David Bobée a sans doute été déterminante pour la suite de leurs choix artistiques : il faut les voir sous sa direction et les mots de Ronan Chéneau, se mettre à l’épreuve d’une performance noyée sous quarante degrés et une lumière intransigeante (Warm) ! Sueur, risque, souffrance, leur engagement est sans faille.

Une pièce touchante d’humanité

Après leurs créations Quien Soy et Inquiétude, qui continuaient de creuser la question de l’identité, la conception d’une œuvre de groupe constituait un nouveau challenge. Chose faire avec Somos, qui a vu le jour au mois de mars dernier. Pour ce faire, ils ont fait appel à d’anciens copains de Bogota, danseurs et acrobates eux aussi. Jeunes chiens fous avides de mouvement, prompts à aller au contact, ils forment une communauté que Wilmer et Edward dévoilent et domptent en une ode à la fraternité. Les tapis de sol dont ils se jouent ne suffisent pas à arrêter leur course qui compte sur une solidarité incontestable pour évoluer. Pièce physique, virtuose, Somos explore un pan de leur identité en la confrontant à la force du collectif, questionnant les présences individuelles au sein de la communauté. Soudés par un langage commun, ils transmettent leur soif de liberté et leur envie de partage dans un spectacle puissant. Et n’en oublient pas l’humour, voire l’autodérision, qui font de ces grands gaillards aux acrobaties renversantes des êtres profondément touchants.

Nathalie Yokel