Seuls de Wajdi Mouawad, solo intimiste créé en 2008.
de et avec Wajdi Mouawad
Publié le 19 décembre 2018 - N° 272Reprise de Seuls de Wajdi Mouawad, solo intimiste créé en 2008.
« Mesdames et messieurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de me donner la parole ». Prononcée par un Wajdi Mouawad vêtu d’un simple boxer noir, la première phrase de Seuls prend sur le plateau la saveur d’une promesse. Après plus de cent cinquante représentations à travers le monde, le solo créé en 2008 apparaît de la part du directeur du théâtre de la Colline comme le premier acte d’un échange sincère avec le public. Comme une invitation à faire du théâtre l’objet d’un partage à la fois intime et politique. Ancré dans une réalité locale mais ouvert aux bruits du monde. La réception de Seuls est aussi transformée par une tragédie actuelle : celle des migrants, à laquelle la pièce de Wajdi Mouawad fait subtilement écho.
L’identité dans le coma
Écrit après le fameux quatuor épique Le Sang des Promesses, Seuls ouvre un cycle domestique et les premiers pas de son auteur dans l’écriture de plateau. Cette pièce interprétée par Wajdi Mouawad lui-même raconte le périple immobile de Harwan. Un jeune chercheur en passe de terminer sa thèse de sociologie de l’imaginaire sur « le cadre comme espace identitaire dans les solos de Robert Lepage », dont l’identité fragmentée emprunte pour beaucoup à la biographie de l’auteur. Harwan s’exprime depuis un coma aux causes d’autant plus mystérieuses que jusqu’à un coup de théâtre final, le spectateur ignore l’état du protagoniste. Malgré les indices fournis par les vidéos de Dominique Daviet, l’univers sonore métissé de Michel Maurer et Michael Jon Fink ainsi que les lumières d’Éric Champoux, Wajdi Mouawad entretient en effet l’illusion d’un Harwan bien vivant. Contrairement à son père, que ce dernier croit victime d’un accident vasculaire. Une ruse qui offre à l’auteur et interprète la possibilité du surréalisme et de l’étrange, registres qui lui sont chers. Le coma fonctionne ici comme métaphore de l’exil. Si Seuls évoque la guerre du Liban qu’a fuie Harwan pour s’installer au Québec, Wajdi Mouawad s’intéresse davantage à la solitude du personnage dans son pays d’accueil qu’à son passé arabe. Dans un décor de chambre sans âme, les paroles du héros ne sont pourtant pas dénuées d’espoir. La séance finale de peinture non plus, transe colorée malgré la détresse et la cécité annoncée.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Seuls de Wajdi Mouawaddu mercredi 16 janvier 2019 au dimanche 20 janvier 2019
Théâtre Firmin Gémier – La Piscine
254 Avenue de la Division Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry, France
Le mercredi 16 et vendredi 18 à 20h30, le heudi 17 à 20h00, le samedi 19 à 18h et le dimanche 20 à 16h00.
Rens : 0141872084.