La fin de l’homme rouge, dix histoires au milieu de nulle part de Svetlana Alexievitch mes Stéphanie Loïk
Théâtre de l’Atalante / de Svetlana Alexievitch / mes Stéphanie Loïk
Publié le 19 décembre 2018 - N° 272Avec Dix histoires au milieu de nulle part et La fin de l’homme rouge, Stéphanie Loïk poursuit en beauté un travail commencé il y a dix ans sur l’œuvre de la Biélorusse Svetlana Alexievitch.
Stéphanie Loïk n’a pas attendu l’attribution du Prix Nobel de Littérature à Svetlana Alexievitch en 2015 pour s’intéresser à l’œuvre de l’auteure et journaliste biélorusse. Dès 2009, elle adapte et met en scène avec les élèves du Conservatoire National Supérieur de Paris La guerre n’a pas un visage de femme et Les cercueils de zinc. Des romans-documents – hybrides, les livres de Svetlana Alexievitch échappent à toute catégorie – composés de nombreux témoignages d’anonymes sur la Seconde Guerre Mondiale et la guerre en Afghanistan. Dès lors, la femme de théâtre se donne pour objectif de rendre hommage avec ses outils à la constance et à la ténacité de la femme de lettres et aux milliers de voix que celle-ci a recueillies et dont elle a nourri ses six ouvrages. La détermination de Stéphanie Loïk n’a pas failli. Pour preuve, le diptyque composé de La fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement et de Dix histoires au milieu de nulle part, où d’autres jeunes comédiens issus d’une école supérieure de théâtre – l’Académie-Ecole Professionnelle Supérieure de Théâtre du Limousin – se font les merveilleux passeurs de tragédies individuelles sauvegardées par Svetlana Alexievitch. Cela autour d’une nouvelle période sombre de l’histoire soviétique : l’éclatement de l’URSS.
L’homo sovieticus par l’épure
À rebours d’une tendance à la représentation hyperréaliste des drames historiques, Stéphanie Loïk opte dans ce diptyque pour une forme épurée à l’extrême. Étrangère à toute forme de séduction, y compris par les larmes. Sur un plateau nu, plongés dans une semi-pénombre, les six interprètes – Vladimir Barbera, Denis Boyer, Véra Ermakova, Aurore James, Guillaume Laloux et Elsa Ritter –, très simplement vêtus en noir, occupent le plateau comme s’il était le dernier refuge de la parole. Mais sans la précipitation qui accompagne souvent l’urgence de dire. Au contraire. Avec une retenue et une précision en phase avec la pudeur des récits collectés par l’écrivain biélorusse, les comédiens font surgir tout un monde de leur partition de mots et de gestes. Lesquels s’arrêtent dans la première partie juste avant de devenir danse, et franchissent souvent le cap dans la seconde, également plus acrobatique et musicale. C’est qu’il y est question d’un amour. D’une passion brisée par le conflit armé qui oppose les deux peuples arméniens et azerbaïdjanais dans le Haut Karabakh entre 1988 et 1994. Sans proposer une incarnation de ces drames, le délicat théâtre rituel de Stéphanie Loïk en transmet la profondeur. Et suggère une méditation sur les répétitions de l’Histoire.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
La fin de l’homme rouge, Dix histoires au milieu de nulle part de Svetlana Alexievitch mes Stéphanie Loïkdu dimanche 6 janvier 2019 au dimanche 3 février 2019
Théâtre de l'Atalante
10 place Charles Dullin, 75018 Paris, France
lundi, jeudi et samedi à 19h, mercredi et vendredi à 20h30, dimanche à 17h45. Relâche les 30 et 31 janvier et le 1er février. Tel : 01 46 06 11 90. Durée : 1h45 par spectacle. www.theatre-latalante.com