Orphée aphone de Vanasay Khamphommala
Avec Orphée aphone, Vanasay Khamphommala [...]
Aux confins du cirque, de la danse, du concert, de la performance et des arts visuels – pas moins -, Ruine construit un drôle d’objet, qui échappe à peine croit-on le saisir.
La discipline du cirque poursuit son Big Bang et son irrésistible expansion en de nouveaux univers. De la galaxie Ivan Mosjoukine, éphémère et brillante constellation auteure de De nos jours (notes on the circus) en 2013, d’où sont nées les météorites Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel (Grande, 2016) et Maroussia Diaz Verbèke (Circus Remix, 2017), Erwan Ha Kyoon Larcher fut le dernier à lancer en solo sa trajectoire. En tant qu’homme-orchestre d’abord, (Tout est beau, 2017), et maintenant dans l’imprévisible orbite que dessine Ruine. Entre des parpaings, une carapace de tortue, une plante verte, des amphores et des sacs de gravats. Peu d’éléments – un arc et des flèches – laissent penser qu’on va assister à un spectacle de cirque. Ruine est qualifié d’« opéra en solitaire » selon le programme, de portrait d’une personne « née dans les années 80, qui déteste le monde parce qu’il l’aime », ajoute une voix préenregistrée au début du spectacle. « On se rappellera d’aujourd’hui comme d’une logique étonnamment arriérée et absurde. » poursuit cette dernière, plus tard, sans que le spectacle pour autant ne tourne à la diatribe contre notre époque. Même si Erwan scie aussi, à l’instar de notre civilisation, la branche sur laquelle il est assis, il est évident que c’est aussi celle du cirque, traditionnel au moins, que son spectacle entreprend ainsi de couper.
Un puzzle d’aujourd’hui
Erwan a été formé au CNAC, école formatrice majeure de la discipline circassienne, mais son parcours artistique l’a mené à collaborer entre autres avec Philippe Quesne ou Clédat et Petitpierre, artistes adeptes d’un théâtre baigné d’arts visuels et du goût de l’expérience. Pour ne pas dire de l’expérimental. Car Ruine réactiverait facilement les querelles de chapelles tellement il se fait transversal et insaisissable. Les nostalgiques d’un cirque populaire reprocheraient à ce spectacle son côté branché. Et les adeptes de l’hybridation à tout crin rappelleraient que c’est d’elle que sourd le renouvellement des formes, des nouveautés auxquelles on finira par s’habituer. Mais on n’en est plus là, à débattre des évolutions du cirque. Son Big Bang commence à dater et on ne peut s’opposer à l’énergie puissante et protéiforme qu’il a libérée. Chantant aigu des compositions électro, dansant entre arts martiaux et sirtaki, tirant des flèches dans le gong d’une carapace retournée qui répond par de sages aphorismes, sciant donc, et cassant les parpaings sur lesquels il fait l’équilibre tandis que sa plante verte réclame à boire, Erwan Ha Kyoon Larcher emmène ainsi le spectateur dans une traversée des disciplines plutôt planante et plaisante. Amusante même parfois. Déroutante et pleine d’auto-dérision. Qui ouvre des sens sans jamais les fixer. Un puzzle d’aujourd’hui, aux accents d’autofiction, un brin désespéré.
Eric Demey
à 19h30, relâche les dimanche et lundi. Tel : 01 56 08 33 88. Durée 1h. Spectacle vu au 104.
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