« Pessoa – Since I’ve been me » par Bob Wilson, un foisonnement d’une beauté folle. Envoûtant !
Théâtre de la Ville - Sarah Bernhardt / textes Fernando Pessoa / mise en scène Robert Wilson
Publié le 14 novembre 2024 - N° 326Pour sa nouvelle création, Robert Wilson nous invite à une plongée dans l’œuvre plurielle de Fernando Pessoa. Remarquablement interprété par Maria de Medeiros, Aline Belibi, Rodrigo Ferreira, Klaus Martini, Sofia Menci, Gianfranco Poddighe et Janaína Suaudeau, Pessoa – Since I’ve been me conjugue les forces du théâtre et de la littérature dans un foisonnement d’une beauté folle.
Des extraits de prose et de poésie — dits, repris, réitérés dans une ou plusieurs des quatre langues du spectacle : le portugais, le français, l’anglais et l’italien — nous submergent comme des lames de fonds. Avec Pessoa – Since I’ve been me, Robert Wilson rend compte, peut-être comme rarement par le passé, de la hauteur philosophique et stylistique d’un corpus littéraire. Sur le plateau du Théâtre de la Ville, l’écriture de Fernando Pessoa (1888-1935) révèle ainsi ses fulgurances et ses lucidités paradoxales. Ou plutôt l’écriture de Bernardo Soares, Alvaro de Campos, Alberto Caeiro, Ricardo Reis…, hétéronymes qu’a inventés l’écrivain portugais pour tracer les chemins multiples de sa quête de l’être et de l’existence. Dans la représentation magistrale élaborée par le metteur en scène et scénographe, il y a donc les mots et les œuvres de ces alter ego chimériques, mais aussi leurs corps incarnés par sept comédiennes et comédiens (de différentes nationalités) au sein d’une succession de tableaux aux lignes tantôt cabarétiques, tantôt rêveuses. Tout cela prend des airs de prodige, donnant à voir l’accomplissement impressionnant d’un homme de théâtre qui, à 83 ans, se maintient au sommet de son art.
Davantage d’âmes qu’une seule
Comme c’est le cas pour toutes les créations de Robert Wilson, la grâce des images qui constituent Pessoa – Since I’ve been me est envoûtante. Mais la force de cette nouvelle proposition réside également dans la profondeur avec laquelle elle éclaire les prises de conscience du Livre de l’intranquillité, du Gardeur de troupeau, de Faust… « Mon théâtre a quelque chose à voir avec le comportement des animaux, l’instinct pur », déclare l’artiste américain. Ici, cet instinct entre en symbiose avec les vagabondages magnifiques du poète portugais. Les perceptions et les intériorités renvoient à des énigmes. La réalité de l’existence est contingente. L’identité fluctue, se perd, se cherche. Et puis, des clameurs de vagues et d’orages résonnent. Des verres se brisent. En cascade. Des panoramas de couleurs resplendissent. Composé de contrastes, de ruptures, le grand spectacle auquel on assiste dévoile une pléiade d’éclairs et de reflets. « Si je pouvais donner corps à mes pensées et leur donner vie », dit Fernando Pessoa dans Un singulier regard, « elles ajouteraient un nouvel éclat aux étoiles, une beauté nouvelle au monde et un plus grand amour au cœur des hommes. » Voilà qui est fait.
Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
PESSOA – Since I’ve been medu mardi 5 novembre 2024 au samedi 16 novembre 2024
Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt
2 place du Châtelet, 75004 Paris
Du mardi au vendredi à 20h, le samedi et le dimanche à 15h. Le samedi 9 novembre à 15h et 20h. Relâche le jeudi 7 novembre. Tél. : 01 42 74 22 77. Durée : 1h20.