La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ricercar

Ricercar - Critique sortie Théâtre
Légende Ricercar : Une tentative scénique d'explorer les motifs de la forme musicale du ricercar.

Publié le 10 octobre 2008

Le Théâtre du Radeau et François Tanguy invitent à une traversée de champs poétiques fragmentée et onirique qui ne parvient pas à nous embarquer dans son sillage.

« Ricercare : rechercher, faire le tour de, parcourir… » « Le Ricercar, précurseur de la fugue, désigne dans sa force instrumentale l’expression d’un développement polyphonique, dit contrapunctique, dont la ligne de fuite s’élabore au gré des intersections, renversements et mutations de différents motifs ou sujets. » L’œil écoute : la pièce de François Tanguy se perçoit à travers ce qu’on voit et qu’on entend, mots et musique entrelacés. Dante, Villon, Kafka, Büchner, Walser, Mandelstam et bien d’autres poètes – proférés en plusieurs langues – , Verdi, Berg, Stravinsky, Berio, Scarlati et bien d’autres compositeurs sont convoqués sur scène. Sur le plateau, les corps des acteurs, ou plutôt leurs silhouettes, des tables, des chaises, des luminosités soigneusement travaillées, des voix, quelques dialogues, des abat-jour, de grands panneaux déplacés par les comédiens, qui restreignent ou ouvrent la profondeur du champ visuel. Le mouvement s’élabore et se fraye un chemin, modifiant sans cesse les perspectives, ce qui fait penser à l’art d’une peinture qui oscillerait entre figuration et abstraction, entre corporéité théâtrale et quête de traces d’imaginaire. Car comme à l’accoutumée au sein du Théâtre du Radeau, cette mise en jeu des instances sonores, visuelles et orales, procédant par à-coups, reprises, déplacements, soulèvements et autres entrelacs dynamiques, est étrangère à toute intrigue, représentation imposée ou ligne narratrice.

Pas d’expérience des sens

La condition de réussite d’un tel spectacle, qui s’inscrit par son exigence dans le champ poétique, nécessite que la perception du spectateur reconnaisse sur le plateau des éclats de sens ou de beauté fugaces, sachant que pour François Tanguy « le sens forme un milieu de transformations par la médiation d’expériences sensibles et non l’écran projeté des ordonnances signifiantes ». Or cette rencontre avec la théâtralité en train de se faire n’a pas lieu. Pas d’expérience des sens, pas de règlements ou dérèglements poétiques en vue, raisonnés ou non. Simplement une fragmentation extrême, infime, remettant malicieusement en question les codes de représentation sans vraiment aviver le regard ou l’écoute. La musique d’ailleurs écrase les mots, parfois difficilement audibles. Nous ne sommes pas parvenus à nous embarquer sur le navire. L’acte théâtral, ici d’une sincérité et d’un engagement qui donnent pourtant toute sa part d’autonomie au spectateur, demeure lointain, quasi inorganique. Comme si nous n’avions pu trouver la bonne fréquence d’écoute. Peut-être serez-vous mieux disposé, après tout, la rencontre entre l’action et la perception est une affaire tellement intime…

Agnès Santi


Spectacle vu au Festival d’Avignon

Ricercar par le Théâtre du Radeau, mise en scène François Tanguy, du 23 septembre au 19 octobre, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h, aux Ateliers Berthier, 75017 Paris. Tél : 01 44 85 40 00.

A propos de l'événement


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