La Mouette, d’après Anton Tchekhov / conception et mise en scène Cyril Teste / collectif MxM
Spectacle remarquable, La Mouette plonge [...]
Amanda Lear et Michel Fau incarnent les célèbres rivales hollywoodiennes Joan Crawford et Bette Davies dans une comédie truculente.
En 1962, le film de Robert Aldrich, Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, est annoncé comme le chant du cygne de deux grandes stars hollywoodiennes : Bette Davies et Joan Crawford. Pour la première fois, les deux actrices – qui se détestent farouchement – se donnent la réplique. Comme en écho au long-métrage qui met en scène la rivalité cruelle entre deux sœurs, pendant le tournage la guerre est déclarée ! De part et d’autre, ce ne sont que piques, insultes et coups bas : alors que Joan Crawford est l’épouse du PDG de Pepsi, Bette Davies fait installer à ses frais un distributeur de Coca-Cola dans sa loge, quand pour les besoins d’une scène Bette Davies doit porter sur son dos Joan Crawford, celle-ci charge ses poches de pierres pour s’alourdir, etc. La pièce de Jean Marboeuf restitue sous forme de correspondance fictive ce duel bien réel mis en scène par Michel Fau qui, en incarnant Bette Davies, peut donner libre cours à son goût pour le travestissement.
Une mise en abyme
Dès son arrivée sur scène, en robe verte, perruque blonde et talons dorés, les rires fusent. Les répliques aussi, acérées et venimeuses à souhait comme cette phrase d’anthologie : « Joan Crawford a couché avec tous les acteurs de la MGM, à l’exception peut-être de Lassie » ! Face à Michel Fau, Amanda Lear, moulée dans une robe noire à paillettes et coiffée d’une perruque brune, incarne avec humour le glamour hollywoodien. Si la pièce se limitait à une série de bons mots, le spectacle serait un peu léger. Il est un peu plus que cela grâce à une réflexion sur le temps, la vieillesse, la séduction, le cinéma. Il vaut surtout pour la mise en abyme opérée par les comédiens, chacun interprétant le rôle qui lui ressemble le plus (ou attirant leurs rôles à ce qu’ils sont ou à ce que le public croit tel) : pour Michel Fau, le physique atypique de Bette Davies correspond à son anticonformisme, pour Amanda Lear, la réputation de poupée fabriquée de Joan Crawford résonne avec son ambiguïté transgenre. Le duo fonctionne : aucun des deux ne tire la couverture à soi. Mieux : Amanda Lear et Michel Fau renvoient dos à dos les deux actrices qui au fond étaient faites de la même pâte.
Isabelle Stibbe
Les dimanches, lundis et mardis à 20h. Tél. : 01 53 96 70 25. Durée : 1h15.
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