« Ex-traits de femmes » d’après l’œuvre de Molière par Anne Kessler
Anne Kessler, sociétaire de la [...]
Krzysztof Warlikowski propose une traversée théâtrale centrée sur la figure fictive d’Elizabeth Costello, alter ego inventé par l’auteur sud-africain J. M. Coetzee, Prix Nobel en 2003. Une partition ironique, virtuose, mais aussi prolixe et trop diffractée pour véritablement incarner le sens.
Quelle présence au monde ont les êtres de fiction ? Soit, en d’autres termes, que provoquent au cœur de nos existences les histoires que les hommes racontent depuis la nuit des temps, tissées de souvenirs, désirs, interrogations… ? Krzysztof Warlikowski répond non sans ironie en questionnant, en brouillant le vrai et le faux, en diffractant les identités, en cultivant de manière sophistiquée et elliptique les mises en abyme et les parallèles. Elizabeth Costello, Sept leçons et cinq contes moraux propose une traversée théâtrale qui se fonde sur le personnage d’une écrivaine australienne mondialement connue inventé par J. M. Coetzee. Une figure fictive qui est au centre du roman éponyme paru en 2003, qui apparaît aussi dans le roman L’Homme ralenti (2005) puis dans le recueil de huit nouvelles L’Abattoir de verre (2017). Sorte d’alter ego de l’auteur, Elizabeth Costello va comme lui de conférence en conférence autour du monde, se préoccupe comme lui de la question du mal et singulièrement du respect de la vie animale, pointe l’incommensurable capacité de l’homme à infliger la souffrance. Parmi le répertoire du metteur en scène, grand admirateur de l’auteur sud-africain, Elisabeth Costello apparaît aussi à plusieurs reprises, dans La Fin (2011) et dans (A)pollonia (2009), où elle donnait une conférence sur la Shoah, en établissant un parallèle dérangeant avec l’abattage contemporain des animaux.
Je est une autre…
D’une manière générale, la polémique comme la prise de parole ne sont pas pour déplaire à cette écrivaine « charismatique et intimidante » selon le New York Times… Elle est ici interprétée par six comédiennes et un comédien – je est une autre, pourrait-elle dire. Nourrie de multiples références et résonances, séquencée en divers chapitres – Le réalisme ; Eros ; Silence, Complicité, faute… – la partition chemine au gré des conférences, d’un bateau de croisière en route pour l’Antarctique dont le parcours vise à développer la sensibilité écologique aux amphithéâtres de diverses universités, notamment américaines. Malgré des fulgurances, le flux des mots qui embrasse et confronte une multitude d’enjeux nous laisse au bord de la route. On retrouve la parfaite maîtrise des outils scéniques du metteur en scène, qui façonne un très bel univers visuel savamment agencé. On retrouve aussi ses interprètes de haut vol, tous éblouissants. Mais le foisonnement trop complexe des discours qui se télescopent et s’empilent nuit à la transmission et l’incarnation du sens. Comme si l’extravagante singularité et l’ironie troublante de l’héroïne, personnage fictif quoique bien implanté dans la vie, ne pouvaient qu’être voués à déboussoler.
Agnès Santi
du mardi au samedi à 19h30, dimanche à 15h. Tél : 01 44 62 52 52. Durée : 4h. Spectacle vu au Festival d’Avignon en juillet 2024.
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