Festival Marionnetik(s), un nouveau rendez-vous autour de la marionnette
Nouveau rendez-vous pour les amateurs et [...]
Étienne Durot incarne M. Cousin, un statisticien qui trompe la solitude avec un python répondant au doux nom de Gros-Câlin, dans un seul en scène (le reptile n’étant malheureusement pas au générique) orchestré par Julie Roux, qui serpente entre empathie et effroi.
« Je sais parfaitement que la plupart des jeunes femmes aujourd’hui refuseraient de vivre en appartement avec un python de deux mètres vingt… », dit le couperet du bon sens, qui s’abat sur la nuque bouclée de Michel Cousin, alors que celui-ci se voyait déjà marié avec sa collègue Mlle Dreyfus. M. Cousin est ce que l’on pourrait appeler, en restant poli, un gigantesque taré. Est-il fou car il est atrocement seul ? Est-il seul car on le trouve fou ? Nul ne sait, il fait partie de ces existences anonymes, qui naissent et s’éteignent dans l’indifférence du nombre, entre les quatre murs d’un petit appartement jauni. Mais Cousin reste lucide sur sa condition, presque trop, si bien qu’il aborde tous les rapports humains au prisme jargonnant de concepts inventés par lui. Son affection insatisfaite est un « surplus avec absence de débouchés », ses tentatives de contact avec les autres, de la « réanimation culturelle ». Au fond, il se ment à lui-même, en répétant que son serpent Gros-Câlin lui fournit les caresses les plus douces, les étreintes les plus intenses, car il cherche désespérément l’attention des autres êtres humains. Malheureusement, il ne semble pas partager avec eux le moindre mot du même langage, la moindre convention sociale, son empathie est bien plus tournée vers les animaux ou les objets, qu’il fétichise. C’est ainsi qu’il expérimente et joue avec les limites en permanence, même celles du plateau (ne laissez pas de siège libre à côté de vous !)
Faire peau neuve
Gros-Câlin, c’est la mue de Romain Gary en Émile Ajar, un roman dont le fond a été quelque peu éclipsé par le remue-ménage médiatique autour de la fausse identité de son auteur. La Compagnie Cipango s’en empare et laisse à Étienne Durot le soin de déverser la langue fluide et fourchue de l’auteur, pleine de punchlines et de jeux de mots à quadruple facettes. Ne vous laissez pas tromper par les yeux de chien battu du comédien, qui extrude de ses zygomatiques un personnage psychotique à en faire pâlir Jack Nicholson. Il sait moduler sa voix, qui se fait rauque quand il imite le patron de M. Cousin, irritante et aigüe pour Mlle Dreyfus. Habile, il pousse la schizophrénie à son paroxysme, changeant d’émotion en un battement de cil dont l’air brassé nous glace le sang. Seul Gros-Câlin parvient à l’apaiser et le bercer. Mais ces prédateurs n’enlacent que ceux qu’ils ont prévu de dévorer, et Cousin se fait amalgamer, ou plutôt fusionne peu à peu avec l’animalité de son compagnon. Métamorphose lente et douloureuse, qui révèle sous la chemise à motif écailles une deuxième peau squameuse et translucide. Cette mue qu’accompagne un cynisme ambiant font de la pièce une sorte de plaidoyer ambigu pour le retour à la nature, que le visionnaire Romain Gary (Oups ! Émile Ajar…) avait, en 1974, placé dans son œuvre.
Enzo Janin-Lopez
Du jeudi au dimanche à 19h00. Tél : 01 48 05 52 44. Durée 1h30
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