« Les Caprices de Marianne » par Philippe Calvario, une cruelle et touchante ronde du désir
Les Gémeaux Parisiens / texte de Musset / mise en scène Philippe Calvario
Publié le 7 janvier 2025 - N° 328Le comédien et metteur en scène Philippe Calvario met en scène Les Caprices de Marianne de Musset (1810-1857), une cruelle ronde du désir interprétée avec talent et finesse, un drame napolitain autour d’une jeunesse qui ne trouve pas sa place dans le monde.
Quelle ronde ironique que celle de l’amour, quelles illusions et déceptions se jouent du sentiment amoureux… Dans cette courte pièce en deux actes, moins souvent montée que le célèbre drame romantique Lorenzaccio ou On ne badine pas avec l’amour, la très belle langue d’Alfred de Musset déploie une virtuosité qui fait mouche. Lorsqu’il écrivit Les Caprices de Marianne, le beau et turbulent Alfred n’avait pas encore rencontré George Sand. Dandy désenchanté, enfant d’un siècle sans espoir, Musset s’enivrait à l’instar de son personnage phare Octave. Au-delà du romantisme, l’écrivain ausculte la dualité et les tourments des cœurs, la cruauté qui sacrifie sans échappatoire et sans justice. La jeune Marianne, épouse de Claudio, juge droit dans ses bottes, est passionnément aimée de Cœlio, qui demande à son ami Octave d’intercéder en sa faveur auprès de l’indifférente. Au fil des rencontres entre Marianne, initialement vue comme un « dragon de vertu », et le « danseur de corde » Octave, elle tombe amoureuse de l’entremetteur, s’émancipe du carcan de sa routine autant que de l’arrogante brutalité de son mari. Après La double inconstance et Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, où les travestissements mettent les cœurs à l’épreuve, Philippe Calvario s’empare de cette pièce où les caprices du désir entraînent de la comédie à la violence.
De beaux interprètes
Pour interpréter avec lui cette partition à la fois subtile et brutale, alerte et tragique, il a réuni de beaux interprètes. Zoé Adjani est une délicieuse Marianne, volontaire, fougueuse, sensible, en proie à des sentiments qui font place à son désir de rébellion. Dans une légèreté qui laisse voir le désenchantement, Philippe Calvario interprète l’éloquent Octave, happé par une vie sans attaches, vouée aux plaisirs et à l’ivresse. Seule son amitié avec Cœlio touche son cœur. Pierre Hurel, en alternance avec Mikaël Mittelstadt, est Cœlio, amoureux absolu, taiseux, qui s’en remet à son ami pour atteindre Marianne. L’inflexible Claudio incarné par Christof Veillon n’est pas ici un barbon mais un juge de belle prestance, inflexible, qui aime Marianne comme une chose qu’on possède et asservit. Delphine Rich (Hermia, la mère de Cœlio, et Ciuta), et Hameza El Omri (Malvolio et Tibia, valet de Claudio) complètent la distribution. Manipulé au fil des scènes, ancré dans le passé de l’époque, le décor compact de Roland Fontaine, fait de deux murs mouvants et quatre faces, s’adapte aux lieux, aux diverses tonalités de la partition. De la batte d’arlequin à l’épée, de l’amour comme assouvissement du désir à l’amour comme quête absolue, du mirage du flacon syracusain à la réalité de la souffrance, la mise en scène déploie une implacable avancée qui laisse la jeunesse endeuillée, mais surtout infiniment solitaire. De cette solitude qui ne se raccroche à aucun désir de vivre.
Agnès Santi
A propos de l'événement
Les Caprices de Mariannedu mercredi 8 janvier 2025 au dimanche 30 mars 2025
Les Gémeaux Parisiens
15, rue du Retrait 75020 Paris
Tél : 01 87 44 61 11. Durée : 1h20.