« Illusions perdues », de Pauline Bayle, à voir absolument !
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Le Théâtre national de La Colline propose un temps fort consacré à l’écriture de Laurent Gaudé, présentée pour la première fois sur ses plateaux. Deux textes de l’auteur sont programmés dans des mises en scène du québécois Denis Marleau : Terrasses et Le Tigre bleu de l’Euphrate.
Plus de 20 ans séparent la publication de Terrasses et du Tigre bleu de l’Euphrate. De quels projets d’écriture ces deux textes sont-ils le fruit ?
Laurent Gaudé : Le Tigre bleu de l’Euphrate est un monologue au sein duquel Alexandre le Grand, sur le point d’expirer, s’adresse à la mort pour lui dire qui il a été. Il convoque l’ensemble de son existence. Ce qui m’a intéressé dans la figure d’Alexandre, c’est la question du désir : désir d’aller toujours un peu plus loin, d’aller toujours voir ailleurs, de ne jamais se satisfaire de ce que l’on a déjà accompli. C’est un désir qui mange tout, qui ira jusqu’à le manger lui-même. D’autre part, ce qui est fascinant dans ce personnage historique, c’est qu’il mêle tous les contraires. Il est à la fois beau et laid, vieux et jeune, charismatique et répulsif.
Et en ce qui concerne Terrasses ?
L.G.: Il s’agit d’un récit choral sur les attentats du 13 novembre 2015. On se promène dans cette nuit-là avec les tragédies qui touchent les uns et les autres. Ce texte reste très près des faits. Mais je ne voulais pas écrire un récit documentaire. Je me suis donc autorisé une liberté : visiter tous les endroits frappés cette nuit-là par le biais des mêmes voix, des mêmes protagonistes. Ainsi, un même personnage peut se trouver à la première terrasse, puis à la deuxième, ainsi qu’au Bataclan. J’ai voulu de cette façon engendrer une sorte de flux, transcender le réel par la littérature.
Ces deux textes rendent compte de différents pans de votre écriture…
L. G.: Oui et c’est l’une des raisons pour lesquelles je trouve cette double proposition de La Colline très intéressante. Car elle donne à voir le prisme le plus large de mon univers d’écrivain. On passe de l’antiquité à notre époque contemporaine. J’ai beaucoup écrit de pièces liées à l’histoire antique et à la mythologie. Terrasses fait partie des textes que j’ai écrit en réaction à des événements du monde d’aujourd’hui. Car évidemment le présent m’intéresse, me nourrit, m’angoisse, m’émeut… Et puis, les formes de ces deux textes sont très différentes. D’un côté, il y a un monologue, de l’autre un récit polyphonique. Mais il y a aussi des points communs entre eux, notamment dans les thématiques abordées : la question du surgissement du malheur, la question du désir, de l’humanité, une certaine façon de regarder le monde à hauteur d’homme…
Il y a aussi la porosité entre le monde de la vie et celui de la mort. Comment vous êtes-vous emparé d’un tel motif dans Terrasses, qui renvoie à des faits encore aujourd’hui très douloureux ?
L.G.: D’une manière générale, Terrasses a été un texte compliqué à écrire. Lorsqu’on investit de tels événements, on est forcément saisi de vertige. J’aime proposer un théâtre qui brouille la frontière entre la vie et la mort, qui rend possible cet entre-deux, un théâtre qui porte en soi l’idée d’un monde qui n’est pas régi par les mêmes règles que le monde réel, un monde dans lequel on peut mourir et pourtant continuer à parler. Le théâtre est le lieu des fantômes, de toutes les présences. Pour Terrasses, tout en étant respectueux des faits, j’ai essayé de m’en affranchir un tout petit peu pour trouver des espaces d’écriture. La possibilité qu’un spectateur puisse se demander si un personnage est mort ou vivant m’intéresse. Le temps de ce récit est flou. Il s’étire. C’est un temps du doute. Je crois que les lieux touchés par ces tragédies portent à jamais la trace de celles et ceux qui sont morts ce soir-là. Il y a quelque chose d’une vibration qui continue à être présente. J’aime l’idée que cette vibration puisse faire naître de la parole.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Terrasses : du 15 mai au 9 juin 2024 (Grand théâtre), du mercredi au samedi à̀ 20h30, le mardi à̀ 19h30, le dimanche à̀ 16h, relâche dimanche 19 mai (durée : 2h15). Le Tigre bleu de l’Euphrate : du 24 mai au 16 juin (Petit théâtre), du mercredi au samedi à̀ 20h, le mardi à̀ 19h, le dimanche à̀ 15h30, le samedi 15 juin à̀ 18h et le dimanche 16 juin à̀ 14h30 (durée : 1h30). Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr
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