La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2012 - Entretien Christophe Honoré

Remettre en jeu le Nouveau Roman

Remettre en jeu le Nouveau Roman - Critique sortie Avignon / 2012

Publié le 10 juillet 2012 - N° 200

Christophe Honoré fait entendre l’ambition et l’aventure des écrivains du Nouveau Roman à travers leur incarnation vivante sur la scène. C’est la littérature même et le statut d’écrivain qui sont interrogés par cette œuvre. Il est aussi à l’affiche du Festival en tant qu’auteur avec deux pièces, mises en scène par Eric Vigner et Robert Cantarella.

« Qu’est-ce que les écrivains attendent de la société et de leurs lecteurs ? »
 
Pourquoi avez-vous voulu donner vie sur une scène de théâtre aux écrivains du Nouveau Roman ?
 
Christophe Honoré : J’avais très envie de faire réentendre les écrivains du Nouveau Roman, dernier grand mouvement littéraire en France, un peu trop cantonné au savoir scolaire ou universitaire. Il est très intéressant aujourd’hui d’écouter leurs idées, et en particulier leur souci formel, cette idée que le propos d’un roman est avant tout une affaire d’invention de forme. Par leur modernité même, ces écrivains étaient politiquement très inscrits dans leur époque. Je trouve qu’aujourd’hui au théâtre ou au cinéma les sujets et les histoires sont un peu trop mis en avant, alors que l’aspect innovant et formel est délaissé. Ces écrivains se sont lancés dans cette aventure contre la pensée dominante, contre tous, leurs parcours ont été longs et difficiles avant de s’imposer dans le paysage littéraire français, ils ont persévéré malgré tout. C’est sur cette très haute exigence des écrivains du Nouveau Roman que j’essaie de fonder ce spectacle.
 
Que pensez-vous de cette idée courante reprochant à ces écrivains d’être déconnectés du réel ?
C. H. : Sarraute explique très bien que le réel démarre quand on échappe au réalisme de convention, et c’est pourquoi les écrivains du Nouveau Roman inventent des formes nouvelles. Le sens se trouve dans la forme, imaginant un rapport au réel marginal et politique qui nous parle de notre monde. Le mouvement a été créé au moment de la Guerre d’Algérie et ces écrivains n’étaient pas dégagés de ce qui se passait dans le monde. Ils ont d’ailleurs navigué pour certains vers d’autres arts, le cinéma pour Duras ou Robbe-Grillet, le théâtre pour Sarraute ou Pinget, la peinture pour Butor ou Ollier.L’Amant de Duras dans son écriture heurtée nous renseigne bien davantage sur le colonialisme que d’autres écrits plus réalistes.
 
Comment avez-vous travaillé avec les comédiens ?
 
C. H. : Les dix acteurs incarnent neuf écrivains et Jérôme Lindon, directeur des Editions de Minuit (interprété par Annie Mercier). On retrouve les plus connus, comme Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet ou Nathalie Sarraute, ainsi que Claude Simon, Alain Robbe-Grillet, Michel Butor, Robert Pinget, Claude Mauriac et Claude Ollier. Quelques séquences ont lieu avec Françoise Sagan, étrangère au mouvement. Nous avons effectué un important travail de documentation et de recherche à partir des entretiens, des œuvres, avec l’aide aussi d’universitaires. C’était passionnant, comme si je partageais la direction d’acteurs avec une équipe. La pièce montre les personnages en relation les uns avec les autres, dans leur rapport aux médias. Ils parlent de littérature, de la question de la reconnaissance et de leur implication dans la société. Des disparités et jalousies surgissent, certains se déchirent. On ne cherche pas du tout à faire de “biopic“. La pièce interroge le statut d’écrivain. Souvent on se demande ce qu’on attend des écrivains, c’est presque la question inverse qui est au centre de cette pièce : qu’est-ce que les écrivains attendent de la société et de leurs lecteurs ? J’ai aussi interrogé des écrivains d’aujourd’hui pour connaître leur relation aux écrivains du Nouveau Roman, ces entretiens ont été filmés et leurs extraits ponctuent la pièce.
 
Vous signez aussi deux pièces programmées au festival…
 
C. H. : Ces pièces sont nées de relations avec des metteurs en scène que j’aime beaucoup. J’ai écrit La Faculté pour les jeunes comédiens métissés de l’Académie d’Eric Vigner, du Théâtre de Lorient où je suis artiste associé (voir notre entretien avec Eric Vigner p. ). Et j’ai écrit Un Jeune se tue pour Robert Cantarella, pièce destinée au spectacle de fin d’année des étudiants de la Comédie de Saint-Etienne. Les deux pièces fonctionnent en diptyque, explorant le rapport des jeunes au sexe, au sentiment, ainsi que la déconsidération sociale de la jeunesse.

Propos recueillis par Agnès Santi


Festival d’Avignon. Nouveau Roman, Cour du lycée Saint-Joseph, du 8 au 17 juillet à 22h, relâche les 10 et 14 juillet. La Faculté, Cour du Lycée Mistral, du 13 au 22 juillet à 22h, relâche le 16. Un jeune se tue, Cloître Saint-Louis, du 10 au 16 juillet à 15h et 19h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée estimée pour chaque spectacle : 1h45.
 
Nouveau Roman / Cour du Lycée Saint-Joseph
Texte et mes Christophe Honoré

A propos de l'événement


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