La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Quelqu’un pour veiller sur moi

Quelqu’un pour veiller sur moi - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Charlotte Maurel Légende photo : Trois mousquetaires face à la déréliction.

Publié le 10 avril 2008

Un Anglais, un Irlandais et un Américain otages au Liban : Frank McGuinness invente un huis clos émouvant et drôle, où, pour une fois, l’enfer, ce n’est justement pas les autres !

Le premier enfermé a été Adam, l’Américain. L’a rejoint Edward, l’Irlandais. Ils ont ensuite accueilli Michael, l’Anglais. Le premier est venu soigner, le deuxième enquêter et le troisième enseigner au Liban. Rien de commun entre eux a priori, ni dans la vie, ni dans les engagements, ni dans les manières d’être. Le premier utilise sa force physique et mentale pour résister, le deuxième sa capacité sarcastique, le troisième son humour. Et le mieux armé des trois face à l’adversité n’est pas celui qu’on croit tant l’isolement et l’angoisse taraudent les esprits au point de les transformer, de les dévoiler, voire de les révéler. Frank McGuinness, dont le texte est allègrement traduit en français par Isabelle Famchon, s’est inspiré du calvaire de Brian Keenan et John McCarthy, otages pendant cinq ans au Liban à la fin des années 80, pour écrire cette pièce à la finesse psychologique et à l’efficacité dramatique étonnantes. Le trait est délibérément appuyé dans la détermination des personnages et l’Américain est plus puritain que raison, l’Irlandais plus dévoué à la bière qu’imaginable et l’Anglais plus flegmatique que possible. Mais cette typification des personnages s’accompagne d’une subtilité chromatique dans la description de leur évolution intérieure qui leur offre une épaisseur et une crédibilité remarquables.
 
Un spectacle servi par trois comédiens de haute volée
 
Les trois comédiens choisis par Sophie Lorotte pour incarner ces trois figures de la résistance humaine plient leur physique, leur gestuelle et leur jeu à l’aspect et à l’image de ces trois héros malgré eux avec un talent indéniable. La pièce reposant essentiellement sur l’équilibre et la complémentarité des figures, les acteurs jouent des poncifs ethniques dont les personnages eux-mêmes font des rôles avec une grande subtilité. L’humanité incroyablement désarmante de ces hommes victimes d’une guerre qu’ils n’ont pas engagée transparaît à chaque instant d’un jeu qui sait demeurer juste de bout en bout et évite le pathos et la caricature. Avec la Bible et le Coran pour toute lecture, la force de leur intelligence et de leur imagination pour seules armes, leur humour pour tout étendard, l’amitié bourrue de leurs compagnons de cellule et le souvenir et l’espoir de l’extérieur pour seuls soutiens, les trois hommes parviennent à maintenir le sens de leur existence et Pascal Casanova, Arnaud Décarsin et Sacha Petronijevic leur offrent ensemble une intensité, une authenticité et une vérité stupéfiantes. Si le théâtre est affaire d’acteurs, ce spectacle en est l’illustration éclatante !
 
Catherine Robert


Quelqu’un pour veiller sur moi, de Frank McGuinness ; traduction d’Isabelle Famchon ; mise en scène de Sophie Lorotte. Du 13 mars au 27 avril 2008. Du mercredi au vendredi à 20h30 ; samedi à 17h et 21h ; dimanche à 15h. Théâtre Mouffetard, 73, rue Mouffetard, 75005 Paris. Réservations au 01 43 31 11 99.

A propos de l'événement


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