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Avignon / 2023 - Entretien

« Portrait de l’artiste en ermite ornemental » par le conteur et plasticien belge Patrick Corillon

« Portrait de l’artiste en ermite ornemental » par le conteur et plasticien belge Patrick Corillon - Critique sortie Avignon / 2023 Avignon Festival d’Avignon. Chapelle des Pénitents Blancs
© Le Corridor Patrick Corillon

Chapelle des Pénitents Blancs / Texte et mise en scène de Patrick Corillon

Publié le 14 juin 2023 - N° 312

Sous le titre de Portrait de l’artiste en ermite ornemental, le conteur et plasticien belge Patrick Corillon rassemble récits et jeux où le détail, l’anecdote font monde. Dans ces « fictions vraies », le spectateur jouit d’une grande liberté d’imaginer.

Pour le Festival d’Avignon, vous rassemblez deux créations existantes et en créez deux nouvelles. Quelles expériences proposez-vous avec ces spectacles ?

Patrick Corillon : Selon les dates, je jouerai en effet L’appartement à trous (2013) et Les images flottantes (2015), deux seuls en scène dont je suis le narrateur. Sans être des autofictions, ces récits partent d’éléments vécus pour aller vers le monde extérieur. Ce sont des « fictions vraies », tandis que les formes qui leur succèdent, Le Voyage de la Flaque et Le Dessous-Dessus, sont ce que j’appelle des « fantaisies ». Racontées par Dominique Roodthooft qui codirige avec moi la maison de création et de recherche pour les arts vivants Le Corridor, ces histoires allégoriques sont accompagnées de jeux permettant au spectateur de s’approprier le monde qui lui est conté.

Pourquoi ce titre mystérieux, Portrait de l’artiste en ermite ornemental, pour lier les quatre formes visibles deux par deux ?

P.C. : C’est pour moi une manière de revendiquer le fait que l’imaginaire peut être un engagement citoyen, que pour être impliqué dans la société en tant qu’artiste il n’y a pas forcément besoin de faire des spectacles qui soient des miroirs de réalités sociales. Je me compare volontiers aux ermites ornementaux qui, dans l’Angleterre des XVIIIème et XIXème siècles, étaient des hommes invités par de riches propriétaires qui les invitaient à occuper des grottes construites sur leur domaine à leur effet. Je me reconnais dans ces personnes qui faisaient office de décoration à des fins spirituelles, dans la mesure où je refuse d’imposer mon monde, et accepte qu’il soit vu par d’autres comme un simple divertissement.

« L’imaginaire peut être un engagement citoyen. »

Dans chacune de vos créations, vous développez un rapport particulier entre la parole et l’objet. Pourquoi ?

P.C. : J’essaie d’avoir une parole incarnée par l’objet. Celui-ci n’est donc jamais décoratif. Dans Les images flottantes par exemple, qui s’ouvre sur mon émerveillement enfantin pour une représentation de Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck puis pour les croix blanches que j’ai découvertes sur scène, je manipule pendant une heure de récit des petites croix. Dans la « fantaisie » Le Voyage de la Flaque, où il est question d’une flaque refusant sa disparition prochaine, le spectateur manipule un jeu fait de perles qui forment un paysage abstrait. L’objet permet aussi de donner une dimension physique à l’expérience.

Vous avez de plus pensé cette expérience physique à l’échelle de la Chapelle des Pénitents Blancs où vous êtes programmé…

P.C. : Ce lieu si particulier est en effet beaucoup plus pour moi qu’une boîte noire. Aussi ai-je voulu penser ma proposition en fonction de l’esprit du lieu, qui est ouvert au public 45 minutes avant et après le spectacle. Il est ainsi possible de visiter une exposition que j’ai dédiée à Pétrarque. J’ai aussi conçu un livret qui est remis à chaque spectateur à la fin de la représentation, afin d’élargir le temps du spectacle vivant. Si je souhaite laisser le spectateur libre de se saisir de ce qu’il souhaite dans mon univers, je ne veux surtout pas en faire un produit.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Portrait de l’artiste en ermite ornemental
du vendredi 7 juillet 2023 au mercredi 12 juillet 2023
Festival d’Avignon. Chapelle des Pénitents Blancs
Place de la Principale, 84000 Avignon

à 11h et 18h, relâche le 9 juillet. Tel : 04 90 27 66 50. Durée : 1h40 avec entracte.

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