La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Philoctète

Philoctète - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Christian Ganet / ArtComArt Légende photo : David Mambouch et Laurent Terzieff en Janus vertueux.

Publié le 10 octobre 2009

Christian Schiaretti met en scène la langue de Jean-Pierre Siméon où s’équilibrent poésie et efficacité dramatique en un Philoctète qu’investissent des comédiens à la trempe valeureuse.

Lyrique et statufié par le renom, intelligent et champion du combat dialectique dont il connaît tous les artifices, un peu vert encore mais riche déjà de l’héritage de sa caste : tels sont Philoctète, Ulysse et Néoptolème, les trois guerriers dont Jean-Pierre Siméon ressuscite les figures dans cette pièce écrite en forme de variation sur le thème d’un épisode de la guerre de Troie, plusieurs fois revisité déjà par dramaturges et poètes. Tels sont aussi Laurent Terzieff, Johan Leysen et David Mambouch, les trois comédiens choisis pour les incarner par Christian Schiaretti qui réussit, en plus d’une mise en scène comme toujours précise, attentive au texte et à sa situation, un hommage au théâtre autant emprunt de piété filiale que pertinent en ses effets. De ce double spectacle naît ici l’impression troublante d’un théâtre complet où le contenu de la fable est en parfaite adéquation avec la forme de sa représentation.
 
Réconciliation théâtrale des générations
 
Vigueur farouche d’une jeunesse qui vit en bande (comme les membres de la troupe du TNP entourent sur scène David Mambouch), solitude élitiste d’un esthète dont tous les compagnons sont morts (les meilleurs, ceux qui sans tricher faisaient de la guerre un art et que pleure Philoctète), assurance de celui qui sait que l’éthique est devenue rhétorique et qui en maîtrise avec génie les effets de distance et d’illusion : tel est le tableau d’un théâtre français auquel Christian Schiaretti pose ici, avec une acuité pénétrante, la question du legs et du lignage. Entre Philoctète, pétrifié dans sa douleur stérile, Ulysse, qui laisse grandir Télémaque loin de sa gloire, et Néoptolème, qui ne connut d’Achille que le masque de son cadavre, pères et fils se cherchent à tâtons. La beauté de la fable recomposée par Jean-Pierre Siméon et l’intelligence de Christian Schiaretti réunissant sur scène ces trois générations offrent plus que la possibilité de retrouvailles : elles montrent que seul l’art arrache au temps et rend aux hommes ce qu’ils ont gâché ou raté. Devant un rideau de métal, sur l’étroite rive du proscénium, se joue le combat de la ruse et de la vertu, du pragmatisme et de l’orgueil, de façon économe et belle, dans la poésie superbe de Jean-Pierre Siméon qui sait rendre intemporelles les affres de héros pris dans les rets de contradictions que seuls les dieux peuvent trancher.
 
Catherine Robert


Philoctète, de Jean-Pierre Siméon ; mise en scène de Christian Schiaretti. Du 24 septembre au 18 octobre 2009. Du mardi au samedi à 20h ; dimanche à 15h. Odéon – Théâtre de l’Europe, Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris. Réservations au 01 44 85 40 40. Du 18 novembre au 23 décembre au TNP de Villeurbanne. Du 14 au 18 janvier 2010 au Théâtre des Gémeaux à Sceaux. Du 23 au 29 janvier au Théâtre de la Criée à Marseille. Du 3 au 5 février à l’Espace Malraux de Chambéry. Du 10 au 12 février à la Comédie de Valence. Du 18 février au 7 mars au Théâtre de Carouge à Genève. Du 12 au 14 mars à La Coursive à La Rochelle.

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