J’aurais voulu être Egyptien
D’après le roman Chicago d’Alaa El Aswany / mes Jean-Louis Martinelli
Publié le 18 décembre 2012 - N° 205Aimant emprunter ses sujets d’inspiration à ce que transpire l’air du temps, le directeur du Centre Dramatique National de Nanterre-Amandiers, Jean-Louis Martinelli, signe avec J’aurais voulu être égyptien, l’une de ses créations les plus efficaces et les plus abouties.
Adaptation du prophétique roman Chicago de l’égyptien aujourd’hui mondialement connu Alaa El Aswany, cette pièce tragique, et pourtant comique, relève la question du politique en dépassant le circonstanciel. L’ouvrage publié en langue française en 2002 est annonciateur de la récente révolution cairote. La tenue en germe des événements de l’emblématique place Tahrir se décèle dans l’œuvre de ce grand nom de la littérature égyptienne. La toute première nouvelle d’Aswany, publiée après bien des péripéties dues à sa nature critique virulente, sous le titre non dépourvu de cette ironie mordante affectionnée par l’auteur, J’aurais voulu être égyptien, témoigne de cette prescience politique et historique intuitive propre à tout grand romancier. En choisissant de reprendre ce titre pour cette adaptation scénique du roman Chicago, Jean-Louis Martinelli trouve son fil rouge, déroulant, avec une intelligente humilité, celui de l’auteur exprimé en ces termes mêmes : « L’élément politique n’est pas le plus important. C’est la question humaine qui compte ». La primauté donnée à l’humain, à cet endroit où le singulier rencontre l’universel, ouvre le champ dramaturgique comme il a libéré l’espace romanesque.
Dynamique et limpide
Dans le foisonnement polyphonique de cette petite Egypte en exil à Chicago décrite par Aswany, Jean-Louis Martinelli resserre l’intrigue autour de neuf protagonistes clés. A la croisée de tous les chemins de ces existences malmenées se tient l’idéaliste Nagui. L’étudiant poète mis au ban de l’Université du Caire pour des motifs politiques, boursier fraîchement admis à la faculté de l’Illinois, revendique ses idéaux révolutionnaires. Figure de la corruption, gros ventre en avant et chapelet à la main, se présente l’hypocrite Danana. L’agent de la Sécurité de l’Etat, espion vicelard dont toute la veulerie éclate dans le traitement sinistre qu’il réserve à sa femme, la belle Maroua, est dépêché au sein de l’Université par l’omnipotent Safouet Chaker, incarnation de l’arbitraire du régime et tortionnaire impénitent. A lui seul, le bon docteur Saleh, anti-héros magnifique, rend manifeste toute la détresse d’un peuple. Touchante, Chris, sa femme, son épousée de circonstance, vit le drame d’aimer sans espoir de retour. Adorable, pleine de vie, Wendy, l’amoureuse de Nagui d’origine juive, sera broyée par d’affreux soupçons tragiquement induits par ce méchant et terrifiant contexte politique. Aidés par la limpidité de la scénographie de Gilles Taschet, impliqués avec un fervent naturel, les comédiens servent la dynamique de l’enjeu : montrer l’inévitable délitement des êtres et des destins pris dans les filets d’une société délétère. Ils s’appliquent sans faillir et, dans le cas d’Eric Caruso dans la peau de Danana, non sans un certain génie.
Marie-Emmanuelle Galfré
A propos de l'événement
J'aurais voulu être Egyptiendu mercredi 9 janvier 2013 au vendredi 17 janvier 2025
Théâtre Nanterre-Amandiers
7, avenue Pablo Picasso, 92 022 Nanterre
Du 9 au 20 janvier 2013 du mardi au samedi à 20h30 sauf jeudi à 19h30, le dimanche à 15h30. Tél : 01 46 14 70 00. Durée : 3h avec entracte.