Le metteur en scène Matthieu Cruciani fait résonner « Phèdre » entre les murs décatis d’un palais contemporain à l’abandon.
Le metteur en scène Matthieu Cruciani fait [...]
Difficile de réinventer le lien entre artistes et spectateurs. À l’image de son titre, la pièce écrite et mise en scène par Johana Giacardi et la compagnie Les Estivants verse dans le classique sous des atours disruptifs.
« C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ». L’histoire raconte que Johana Giacardi, autrice et metteuse en scène du spectacle, avait inscrit cette fameuse phrase de Michel Audiard – dialoguiste mythique et père de Jacques – sur la porte de sa caravane. Elle aurait ainsi recueilli dans son antre des témoignages de gens venus se confier, à la manière de ces anonymes qui appelaient Macha Béranger les soirs de blues, quand l’émission radiophonique Allô Macha existait encore. C’est cet acte de se confier publiquement, ce qui ne va pas de soi, que Johana Giacardi invite les spectateurs à accomplir dans le spectacle. Un temps. Un temps seulement. Le temps de se demander ce qu’on va bien pouvoir dire, de s’effrayer et de saliver à la fois devant l’audace de l’entreprise. Heureusement, ou pas, le théâtre prend le relais. Surgies du public, les comédiennes de la troupe des Estivants endossent tour à tour les rôles de ces anonymes venues raconter leur vie, leurs traumas mais aussi leurs joies, la manière dont elles ont pu se libérer des entraves que la vie fait surgir face au défi d’être libres et de devenir soi-même.
Enjamber les barrières qui nous empêchent d’être heureux
C’est ainsi que d’un dispositif plein de défis, on glisse dans le confort d’une représentation somme toute ordinaire. Comme elle aime à le faire, la compagnie des Estivants travaille au contact du public. Ici avec une scénographie type petite piste de cirque, avec trois rangs de gradins de bois disposés en octogone, qui permet au spectacle de voyager hors les murs du théâtre et produit une proximité entre artistes et spectateurs appelés sporadiquement à interagir, la représentation menée pleins feux les laissant toujours présents à eux-mêmes. On ne peut pas dire pour autant qu’à cette occasion un véritable lien se tisse. Les histoires portées par les personnages de Johana Giacardi viennent bien remuer quelques questions sur ce que l’on a fait de notre vie, sur ce qui vaut le coup d’être raconté, mais le propos ne s’approfondit jamais et l’appel à enjamber les barrières qui nous empêchent d’être heureux tourne globalement à vide. Entre petites humiliations, traumas familiaux, trahisons amicales, chagrins d’amour et rigidités sociales, les récits retracent des parcours ordinaires qui trouvent dans l’expression artistique – la danse, le théâtre, le clown… – des espaces réparateurs, une nouvelle liberté. Une manière finalement assez verticale et convenue de dessiner des chemins d’émancipation, davantage dans le modèle que dans le partage et l’invention, comme le dessinait l’entame du spectacle. On ne conteste pas ici le potentiel émancipateur de l’Art mais ce n’est pas en faisant chanter en chœur Forever young d’Alphaville au public – tube adoré de notre jeunesse – que celui-ci trouve son élan libérateur.
Eric Demey
lieux, dates et horaires variables consultables sur le site du théâtre. Tel : 01 48 70 48 90. Durée : 1h10.
theatrepublicmontreuil.com
Le metteur en scène Matthieu Cruciani fait [...]