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Théâtre - Entretien

Marjorie Nakache crée « Le Roman d’une vie » d’après Les Misérables, de Victor Hugo

Marjorie Nakache crée « Le Roman d’une vie » d’après Les Misérables, de Victor Hugo - Critique sortie Théâtre stains Studio-Théâtre de Stains
© Emmanuelle Le Grand Marjorie Nakache

D’après Les Misérables, de Victor Hugo / adaptation de Xavier Marcheschi / mise en scène de Marjorie Nakache

Publié le 27 janvier 2025 - N° 329

Comment passer de l’huître à l’aigle, de la réaction royaliste au républicanisme humaniste, sinon en changeant d’opinion sans changer de conscience ? Marjorie Nakache retrace le parcours du grand homme que firent les misérables.

Pourquoi choisir cet homme au parcours politique à rebours des habitudes ?

Marjorie Nakache : C’est justement ce passage de la réaction à la justice sociale qui est extraordinaire dans sa trajectoire. À vrai dire, je ne connaissais Hugo, comme beaucoup, que par l’école, l’histoire des Misérables, et la poésie. Lors du mouvement des Gilets jaunes, la constante référence à Rousseau et à Hugo m’a frappée. C’est de là qu’est venue l’idée de faire le précédent spectacle sur Rousseau puis aujourd’hui, celui sur Hugo : par la référence plutôt que par la littérature. Les Misérables est un roman que tout le monde connaît mais que peu de gens ont lu. En me penchant sur l’histoire de son écriture, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire sur le parallèle entre l’histoire de la rédemption de Jean Valjean et celle du changement assumé de son auteur qui, par ce roman, devient ce qu’il est.

« Un homme qui se tient debout dans une époque de genoux fléchis et de culs serrés. »

Comment mêlez-vous biographie et roman ?

M. N. : En choisissant de jouer des scènes des Misérables, en me concentrant sur certains personnages, notamment les enfants. Et en suivant en même temps l’histoire d’un bourgeois et royaliste établi, au sommet de sa gloire, que la mort de sa fille aînée rend plus sensible, qui écrit les textes qui seront réunis dans Choses vues, et découvre la misère, les prisons, les familles entassées dans des taudis, tout en tenant devant l’Assemblée nationale des discours d’une force incroyable. Un homme qui se tient debout dans une époque de genoux fléchis et de culs serrés, qui le reste alors qu’il est vilipendé par des critiques assassines, et qui tient sa ligne de conscience même quand il est traîné dans la boue.

Comment avez-vous travaillé avec Xavier Marcheschi ?

M. N. : Xavier a tout lu, en particulier la biographie particulièrement fouillée d’Hugo par Jean-Marc Hovasse, mais aussi beaucoup d’autres livres sur lui, sur ses positions politiques autant que sur sa vie privée, le journal d’Adèle, sa femme, et la correspondance avec Juliette Drouet. Nous avons amassé plein de matière avec une ambition de petites touches, en nous gardant de prétendre à l’exhaustivité et en essayant de comprendre comment un auteur choisit ses sujets et ses personnages. Nous avons aussi voulu faire entendre sa langue, sans rien réécrire, en conservant son incroyable sens de la formule.

Comment portez-vous ces textes au plateau ?

M. N. : Dans une forme volontairement dépouillée. Je n’ai pas arrêté de me retenir ! J’adore me servir du théâtre et de sa magie, mais ici, je ne voulais pas tomber dans l’excès. Je voulais qu’on entende le texte et qu’on l’entende bien, que tout le sens soit adressé, de manière frontale, entre les scènes du roman jouées dans une ambiance plus poétique par Baptiste Drouillac, Valentin Fruitier, Irène Voyatzis, Clémence Laboureau et Xavier Marcheschi. Ce spectacle est comme un voyage à travers les mots et la pensée d’un homme qui a un rapport épidermique à l’injustice dans lequel je me reconnais. Tout le monde trouve le monde injuste, mais quand on est une éponge, cette injustice est difficile à supporter ! Hugo est tout sauf une girouette. Il assume ses revirements parce qu’ils sont portés par une radicalité et un engagement inchangés. Il y a là une force et une sincérité magnifiques, qui déjouent ce qu’on peut lui reprocher quand on décontextualise sa vie pour atténuer ses combats.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Marjorie Nakache crée « Le Roman d’une vie »
du jeudi 6 mars 2025 au vendredi 4 avril 2025
Studio-Théâtre de Stains
Studio-Théâtre de Stains, 19, rue Carnot, 93240 Stains

Les 6, 7, 11, 18, 20, 25, 28 mars, 1er et 3 avril à 14h ; les 15, 27 mars et 4 avril à 20h30 (le 15 mars, une restauration est prévue en amont de la représentation) ; le 13 mars à 12h. Tél. : 01 48 23 06 61. À partir de 8 ans.

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