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Passionnante plongée dans le rapport de l’Église aux questions sexuelles, La Peur est, comme tous les spectacles de François Hien, un pied de nez aux raccourcis de l’époque, un spectacle qui donne tant à voir et à penser.
C’est à chaque fois la même chose, et à chaque fois on reste scotché. François Hien a développé un style bien à lui. Des dialogues d’une densité exceptionnelle. Des situations qu’il dissèque jusqu’à l’os, qu’il tourne et retourne dans tous les sens pour en révéler les ressorts les plus enfouis. On l’a ainsi vu mettre en lumière les enjeux de l’histoire de la crèche BabyLou, les manques de l’Éducation Nationale, les contours de la zone grise du consentement sexuel ou encore les dilemmes de l’affaire Vincent Lambert. Dans La Peur, s’inspirant de l’histoire de Monseigneur Barbarin et de l’épineuse question du secret de la confession, cet insatiable chercheur de vérité ausculte la manière dont l’Église considère la question de la sexualité. Pourquoi il la condamne et protège en même temps les pires agissements de ses religieux. Si la démarche était née d’un bouffeur de curé, l’affaire aurait été vite pliée. Mais comme elle vient d’un catholique, pratiquant à ses heures, c’est encore une fois avec une intelligence profonde, un passionnant art des nuances qui évite de caricaturer toute position et permet aussi de fouiller le sujet que se déploie ce spectacle.
La religion telle qu’on la voit peu au théâtre
Austérité monacale au programme d’une scénographie dépouillée. Une longue table en bois, deux bancs sur un sol en damier. Une grande toile écrue en fond de scène. Les spectateurs disposés en tri-frontal sont proches des cinq interprètes du spectacle. Arthur Fourcade qui en tient le premier rôle est impressionnant. Robuste gaillard aux airs fragiles, il interprète un Père Guérin capable de subir comme d’agir, rustique et bienveillant comme un curé de campagne à l’ancienne. Avec lui, Marc Jeancourt en évêque insensible et habité, Kadiatou Camara (en alternance avec Ryan Larras), Pascal Cesari (en alternance avec Mikaël Treguer) et Estelle Clément- Bealem (en alternance avec Laure Giappiconi) sont tout à fait au niveau et subtilement dirigés. Comme souvent chez François Hien, leurs personnages maîtrisent ce qu’ils disent, bien plus que tout un chacun dans la vie. Ils sont d’une coupante acuité dans leurs répliques comme dans le décryptage des paroles des autres. L’enchaînement des dialogues se fait toujours avec un naturel surprenant, avec humour, dans une variété des adresses qui permet à l’analyse multiverse de se déployer dans une action dont l’intérêt ne se dément jamais. Avec La Peur, c’est ainsi la religion telle qu’on la voit peu au théâtre qui surgit. Vue de l’intérieur, traversée de croyances respectables, de valeurs séculaires mais aussi critiquable, injuste, corrompue, ayant construit autour de la sexualité un nœud que Hien défait, sous l’influence du théologien anglais James Alison. Un spectacle d’intérêt remarquable tant sur le fond que sur la forme, que sa simple singularité suffit à rendre hautement recommandable.
Eric Demey
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30. Tel : 01 43 28 36 36. Durée : 1h55.
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