Philippe Torreton se glisse dans les mots du « Funambule » de Jean Genet
Philippe Torreton se glisse dans les mots du [...]
Après avoir joué avec le même succès à Avignon, à Paris et en tournée, Christine Murillo pose ses cartons, sa gouaille, son brio et sa poésie aux Artistic Athévains : chouette spectacle et vrai régal !
Christine Murillo dit, lit et chante les textes de la reine des seconds rôles, l’impératrice des soubrettes, la diva des concierges et la moins apprivoisable des mégères, Pauline Carton, qui, comme le notait Arletty, avait l’âme des premiers rôles mais le corps des seconds. Tout en paradoxes, elle excellait en cuisinière mais ne mangeait qu’au restaurant, brillait en camériste mais vivait à l’hôtel, incarna les femmes du peuple alors qu’elle était née chez les bourgeois. À la fin du XIXème siècle, ceux-là mettaient volontiers les actrices dans leur lit mais rechignaient à laisser leurs filles monter sur scène. Or, les parents de Pauline, issus d’une lignée de libres-penseurs saint-simoniens, ne faisaient rien comme les autres et soutinrent leur fille dans son anticonformisme. Son chignon de rombière cachait un esprit qu’elle aiguisait à la Bibliothèque nationale, où elle faisait des recherches historiques pour son ami Sacha Guitry ; sa voix de crécelle était celle d’un cœur sensible, tout acquis au poète suisse Jean Violette, avec lequel elle roucoula sans convoler pendant cinquante ans, en lui réservant ses étés. « Au mois d’août, je fais l’amour », disait-elle pour justifier ses congés genevois auprès de ceux qui avaient l’audace de lui proposer de travailler pendant les vacances !
Murillo fait un carton !
Christine Murillo a adapté les écrits de Pauline Carton en compagnie de Virginie Berling et Charles Tordjman, qui la met brillamment en scène dans ce délicieux hommage caustique, drôle, délicieusement fantaisiste, bouleversant d’humanité et puissamment intelligent, comme l’était la Carton. Puisant dans le recueil d’anecdotes croustillantes de ses mémoires, ils concoctent ensemble un charmant spectacle, que Christine Murillo interprète avec un panache et un abattage désopilants. Entre humour et gravité, légèreté et profondeur, la géniale comédienne s’empare de cette figure iconoclaste pour raconter une petite histoire de la création française, narrée depuis la loge de sa meilleure pipelette. Théâtre, music-hall, cinéma, télévision, radio : Pauline Carton est passée partout, y compris sous les palétuviers et par les portes des réfrigérateurs Crosley ! Si Murillo excelle en Carton, elle est bouleversante en Pauline, féministe sous le masque de la virago, sensuelle sous des oripeaux qui n’étaient qu’une peau d’âne, nantie déguisée en bignole. « Je ne sais pas si ce que j’admire le plus en vous c’est votre intelligence ou votre talent ! » disait Guitry à Carton : la même hésitation s’empare du spectateur lorsque Christine Murillo, avec la virtuosité ébouriffante qu’on lui connaît, réussit à redonner vie à ces souvenirs d’une femme libre par tempérament et par choix. Épatant, aurait dit Mademoiselle Carton !
Catherine Robert
Mardi et jeudi à 20h45 ; mercredi à 19h30 ; vendredi à 19h ; samedi à 15h ; dimanche à 17h. Relâches exceptionnelles les 28, 29 et 30 mars. Tél. 01 43 56 38 32. Durée : 1h. Spectacle vu au festival d’Avignon.
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