Avec « P’tit Jean le Géant », Simon Pitaqaj parle de la guerre et de ses blessures : une pièce magnifique !
Simon Pitaqaj signe un spectacle d’une [...]
Ode au lubrifiant et déconstruction masculine sont au programme de cette pièce-manifeste. La compagnie « la Tête Chercheuse » entend faire chuter de son piédestal le Saint-Graal de la pénétration, dans les rapports sexuels homme-femme.
Que fait cet homme, assis dans un coin de la scène ? Le visage hermétique, il scrute avec placidité les spectateurs en ébullition, pensif. Bientôt, on comprend qu’il a échafaudé une stratégie, une guerre contre son camp : les hommes hétérosexuels. Le cheval de bataille ? La pénétration lors de l’acte sexuel. Incarnant les mots et les idées de Martin Page, Yves Heck se lance à corps perdu dans une démonstration minutieuse. À l’instar d’un conférencier, il s’adresse frontalement à un public attentif et passif, malgré la révolution contre « l’ordre naturel » accomplie sous ses yeux. « Il y a une verge, il y a un vagin, l’être humain est logique, il décide de les emboîter. Il voit un clou : il tape dessus avec un marteau. ». Une logique qui va être mise à mal par touches d’humour pendant 1h10. Néanmoins, le comédien et metteur en scène n’est pas un David unique face au Goliath du patriarcat. Le seul en scène se fait plus complexe quand des voix de femmes surgissent, hors-scène. Des témoignages de la violence de l’acte pénétratif ou du désir inconditionnel pour cette pratique tissent une toile d’enquête documentaire.
Fracasser le béton armé de la sexualité à grands coups de pensée
Rien n’est monolithique, tout est circonvolution, à l’image de ce que serait la sexualité imaginative et renouvelée prônée dans le manifeste originel, Au-delà de la pénétration*. C’est peut-être là que réside l’ambiguïté de la mise en scène. Entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait, le fond et la forme de ce flux de pensée. Tandis que des passages entiers du texte de Martin Page nous sont donnés à entendre, la forme peine à se renouveler, malgré des intermèdes musicaux et chorégraphiques sautillants. Les touches de théâtralité esquissées au milieu de l’argumentation (un repas entre amis, une conférence sur le sexe à l’ONU ou encore une conversation sur la pénétration anale dans un café) versent un peu de miel sur l’âpreté d’un texte parfois itératif. Pourtant, quand la personnalité d’Yves Heck ressurgit, on ne peut qu’être touché par la sincérité de ses convictions féministes et sociales. Aux détours d’un appel avec son père, il dévoile son homosexualité et par la même occasion les doutes qui l’assaillent sur sa légitimité à parler des femmes, de la pénétration ou du système de domination masculine. Il délivre alors un message profondément philosophique et humaniste, empli d’humilité et de « savoirs situés » (concept forgé par Donna Haraway en 1988), qualités indéniables de cette pièce. Reste au milieu de ce grand plateau vide, l’espoir gazouillant que l’homme puisse un jour faire l’amour autrement.
Amandine Cabon
٭Paru aux Éditions Nouvel Attila en 2018
Le mercredi 5 mars puis les jeudis, vendredis et samedis à 20h30. Tél. : 01 71 27 97 17. Durée : 1h10.
Également du 5 au 23 juillet au Festival d’Avignon, Théâtre de la Reine Blanche.
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