La Terrasse

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Théâtre - Critique

Omar Porras et les siens créent une version flamboyante et populaire de « La Tempête »

Omar Porras et les siens créent une version flamboyante et populaire de « La Tempête » - Critique sortie Théâtre Méleau TKM - Théâtre Kléber-Méleau
© Lauren Pasche Prospero, interprété par Karl Eberhard

THEATRE KLEBER-MELEAU / de Shakespeare / adaptation Marco Sabbatini et Omar Porras / mise en scène Omar Porras

Publié le 25 septembre 2024 - N° 325

Omar Porras et les siens créent une version flamboyante, festive et populaire de l’une des ultimes pièces de Shakespeare. Interprétée par d’éblouissants comédiens, cette fantaisie féerique est un puissant appel à la liberté.

Allegria ! Joie d’un théâtre où la forme raconte autant que les mots, où l’humain s’exprime dans son ample fragilité. Cette Tempête originale, magistralement maîtrisée, est née de la lecture d’Omar Porras, dont l’étoffe est tissée de plusieurs continents, colorée d’histoires colombiennes et amérindiennes, de savoirs et savoir-faire pluriculturels. C’est d’entrée de jeu l’irruption joyeuse et en musique des comédiens qui nous fait accoster sur cette île où vivent d’étranges insulaires, où tout étonne et chamboule, où l’invisible et le visible jouent de concert, où, aussi, la nature flamboyante et étonnante pourvoie aux besoins des humains. Comment donner corps à la magie, à l’inconnu que représente cette île monde ? Le pari est réussi avec éclat grâce à l’association de l’imagination et de l’artisanat du théâtre. Comme le montrent par exemple l’impressionnante transformation d’Ariel en phénix, ou la douce et éphémère apparition de marionnettes extraordinaires, conçues par Carole Allemand. Sur cette île vivent depuis douze ans Prospero et sa fille Miranda. Détrôné par son frère Antonio, l’ex-Duc de Milan Prospero qui s’intéressait tant aux sciences occultes, devenu magicien puissant, déclenche une tempête qui provoque le naufrage de l’usurpateur, du Roi de Naples, de son fils Ferdinand et consorts. Prospero tient sa vengeance, qui deviendra pardon. Contrairement à nombre de mises en scène, Prospero n’a rien ici de majestueux. Pas de surplomb autoritaire chez ce vieil homme en recherche, démiurge exilé qui abandonnera son bâton de magie pour récupérer son épée de Duc, père qui se soucie du bonheur de son enfant bien-aimée. La Tempête se révèle ici comédie, où le burlesque assumé, millimétré, semblant parfois presque issu de l’enfance, choisit de rendre la violence dérisoire. Les corps expriment une musique d’une redoutable précision, les images saisissent.

Des corps musicaux et des voix qui enchantent

La création sonore et musicale de Christophe Fossemalle et Omar Porras, la scénographie d’Amélie Kiritzé-Topor, les costumes de Bruno Fatalot, la création lumière de Mathias Roche unissent leurs effets, sans oublier les beaux masques de Véronique Soulier-Nguyen, complice de longue date du Teatro Malandro. Peu familière de l’espèce humaine (c’est peut-être pourquoi elle s’entiche de ce niais de Ferdinand), la si belle et si déterminée Miranda, délicieusement interprétée par Marie-Evane Schallenberger, demeure non masquée. Aussi trépidante qu’une série, aussi drôle qu’un film de Chaplin, la pièce dans sa verve comique et sa profusion imaginative distille sa métathéâtralité avec fluidité, laisse émerger une humanité profonde ainsi qu’une force politique. Appel à la liberté, mais aussi alerte sur la capacité de destruction infinie des humains, qui doivent tout à la nature. Et c’est ici Caliban qui a le dernier mot ! Rappelons-nous que lorsque Shakespeare écrivit cette fantaisie au début du XVIIe siècle la vieille Europe venait d’évangéliser sans pitié des mondes supposés sauvages. Karl Eberhard (Prospero), Jeanne Pasquier (Ariel), Pierre Boulben (Ferdinand), Francisco Cabello (Sébastien et Trinculo), Antoine Joly (Caliban et Antonio), Guillaume Ravoire (Alonso), Diego Todeschini (Gonzalo et Stephano), Marie-Evane Schallenberger (Miranda) forment un ensemble parfaitement accordé. Embarquons sur l’île merveilleusement habitée,  écoutons la voix du vent…

Agnès Santi

A propos de l'événement

Omar Porras et les siens créent une version flamboyante et populaire de « La Tempête »
du mardi 24 septembre 2024 au dimanche 13 octobre 2024
TKM - Théâtre Kléber-Méleau
Chemin de l’Usine à Gaz 9, CH – 1020 Renens-Malley, Suisse

de mardi à jeudi à 19h, vendredi à 20h, samedi et dimanche à 17h30.  Tél : +41 21 625 84 29. Durée : 1h45. www.tkm.ch

Également du 28 mars au 17 avril au Théâtre de Carouge à Genève, les 7 et 8 mai au Théâtre Équilibre à Fribourg.

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