Noire d’après Tania de Montaigne, mis en scène par Stéphane Foenkinos
Tania de Montaigne interprète, une adaptation [...]
Dans le nouveau cycle des Tréteaux de France « urgence, ralentir », qui questionne la reconquête du temps, Robin Renucci met en scène Oblomov d’après le célèbre roman d’Ivan Goncharov.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter Oblomov, qui résonne particulièrement après le confinement ?
Robin Renucci : Depuis quelques années, je creuse une réflexion autour de notre société à partir de la moitié du XIXe siècle. Après un cycle sur le sexisme et la domination, avec Mademoiselle Julie par exemple, est venu l’argent avec Le Faiseur de Balzac, puis le travail, et maintenant, ce temps libéré dont nous parlons tous, dans le cycle « Urgence, ralentir ». Quand on s’intéresse à ces questions, on va assez rapidement vers L’Éloge de l’oisiveté de Bertrand Russel, La Paresse de Joseph Kessel, Le Droit à la paresse de Paul Lafargue et bien sûr l’oblomovisme dont les Russes ont fait un thème aussi important que l’argent chez Balzac ou l’avarice chez Molière.
Qui est Oblomov ?
R.R. : C’est ce personnage qui décide de s’affranchir du travail et de la volonté d’agir, socialement, productivement, comme la Russie des années 1850 lui en montre le chemin, en même temps d’ailleurs que Melville, aux États-Unis, écrit Bartleby. Alors que d’un côté, un monde s’agite et veut produire plus, dans le même temps, des penseurs ou des poètes comme Rimbaud rêvent à la question de la rêverie, du désir de prendre un temps sensoriel pour soi, un temps de repli, de confinement. Oblomov, c’est un homme confiné. Il vit dans sa chambre, refuse d’affronter l’action représentée par son ami Stolz qui, lui, est un stakhanoviste, un productiviste qui veut construire des trains, des écoles, transformer la Russie. Oblomov dit seulement : « j’ai 730 000 heures à vivre. Pourquoi s’agiter ? » Il finira par mourir en ayant rêvé beaucoup, et après tout le mot « nuit », c’est N + 8, c’est-à-dire l’infini. Oblomov s’attache à l’infini, il préfère le souvenir, la pensée, le sensoriel au muscle, à la sueur, au travail et même au sperme puisqu’il refuse l’amour et la procréation.
Ce sont des thèmes particulièrement actuels ?
R.R. : Oui ce sont vraiment des questions d’aujourd’hui. Qu’est-ce que, jeune homme, jeune femme du XXIe siècle, on a envie de faire ? Est-ce qu’on a envie de faire des enfants ? pourquoi ? dans quelle commune naturalité ? dans quelle commune humanité ? Peut-être que le coronavirus aura fait apparaître à nouveau une commune humanité, une commune naturalité, et aussi rechercher la singularité de l’homme.
On pense même à des questions comme le revenu universel car après tout, pourquoi travailler ?
R.R. : Je suis entièrement d’accord avec vous. Le revenu universel s’appelle comme cela aujourd’hui mais il a été débattu depuis plus d’un siècle. Cela soulève diverses questions. Est-ce que nous sommes dans une organisation sociale, et notamment urbaine, qui apporte des contraintes très importantes, et comment subsistons-nous ? L’homme est singulier, mais il est aussi social. Cela veut donc dire assumer cette responsabilité sociale de subsister tous ensemble en donnant à chacun les moyens pour subsister : non pas un revenu parce que l’on travaille, mais parce que l’on vit, parce que l’on existe.
Entretien réalisé par Isabelle Stibbe
Tél. : 03 80 30 12 12. Durée : 2h.
Tania de Montaigne interprète, une adaptation [...]