Novecento, d’Alessandro Baricco, interprétation et mise en scène de Laurent Orry

Orphelin, sans papiers, sans patrie, Danny Boodmann T. D. Lemon Novecento est doté d’un curieux nom à rallonge qui raconte sa vie. Le prénom du marin qui l’a trouvé dans une boîte en carton déposée sur le piano du Virginian par des migrants européens venus refaire leur vie en Amérique, l’inscription citronnée sur son berceau d’infortune, et « Novecento », puisqu’il a été trouvé « la première année de ce foutu nouveau siècle ». Né en mer, Novecento ne quitte ni les marins ni l’instrument qui l’ont adopté. Devenu pianiste virtuose, il voit le monde venir à lui et se nourrit des récits des voyageurs, sans jamais descendre à terre. Laurent Orry incarne le trompettiste Tim Tooney, l’ami de Novecento, et raconte l’incroyable histoire de cet enfant que la musique fit un jour à l’océan.

Entre ivresse et roulis

Dans son costume usé, une fiasque à la main, Tim Tooney ne peut pas retenir les larmes qui le submergent lorsqu’il évoque le génie avec lequel il a passé les sept meilleures années de sa vie. Laurent Orry apparaît tel une épave incandescente, un brasier alimenté par l’alcool, le remords de n’avoir pas sauvé son ami et le regret des concerts flamboyants interprétés avec lui. Le comédien passe du rire aux larmes, de la colère à la tendresse, et réussit le pari de faire renaître sur scène l’ambiance festive et inquiète du bateau qui menait les désespérés du Vieux Continent vers les rêves du Nouveau Monde. Poignant et rugueux, éploré et furieux, Laurent Orry est touchant comme un enfant malheureux privé de son meilleur compagnon de jeu. Fuocoso, vigoroso, piano subito : et l’acteur devient musique…

Catherine Robert