La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Montaigne

Montaigne - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : ©Richard Baron / Light Motiv Légende photo : Un Montaigne gambadant sur la branloire mondaine

Publié le 10 février 2008

« Par sauts et gambades », à l’instar de l’auteur des Essais, Thierry Roisin adapte et met en scène le verbe et la pensée libres de Montaigne en un spectacle remarquable de finesse et d’intelligence.

Point de vérité qui ne puisse être contredite, point d’autre certitude que la mort, rien d’établi dans cette « branloire pérenne » qu’est le monde : adapter la pensée fluide et sautillante de Montaigne, mettre en scène ce vif-argent de la philosophie rétif au dogmatisme et tâcher de saisir des instants dans ce fleuve ininterrompu qu’est son œuvre relèvent de la gageure ! Thierry Roisin en accepte le défi et signe une adaptation et une mise en scène des Essais qui mieux encore qu’un portrait de l’homme ou du philosophe s’avère une véritable peinture de la circulation de sa pensée. Le monde est en mouvement perpétuel et la condition d’homme consiste à tâcher d’y bien cheminer : suivant ces deux principes philosophiques à la lettre, la scénographie de Jean-Pierre Larroche fait s’animer un long tapis sur lequel passent maints objets, pendant que le comédien Yannick Choirat arpente ce tapis à la rencontre de ces objets qui sont autant d’occasions de dire les textes remarquablement adaptés par Olivia Burton et Thierry Roisin, éclatants de limpidité, brillants de pertinence et d’humour, profondément émouvants souvent, acides parfois, éblouissants d’intelligence toujours.
 
Le théâtre comme restitution sensible de la pensée
 
Car Montaigne apparaît ici dans toute la complexité d’une âme qui ne s’estime pas assez pour oser le hiératisme, qui aime trop la vie et les plaisirs pour singer le philosophe et qui croit trop en l’homme pour ne pas fustiger ses contemporains. La stupidité ethnocentrique qui fait mépriser les peuples de la neuve Amérique, la morgue anthropocentrique qui fait dédaigner les animaux, la peur de la mort : Montaigne sait se faire acerbe autant qu’il sait se faire tendre, évoquant La Boétie, ou drôle, évoquant les vicissitudes de son vit ou les défauts de sa complexion. Cette pensée toujours dynamique est magistralement rendue par la mise en scène et remarquablement éclairée par le choix des objets qui soutiennent et illustrent le texte avec beaucoup d’à-propos. Yannick Choirat campe un Montaigne malicieux et lucide, pudique et profond, sorte d’honnête homme pas même dupe de ce jeu qu’est de vivre, évoluant sur la scène avec une aisance et un brio remarquables. La liberté dont fait preuve le comédien, jamais empêtré, toujours en rythme comme un athlète aguerri au difficile métier d’exister, bondissant au milieu d’un apparent désordre sans jamais perdre l’équilibre, est parfaitement à l’image de celle de son personnage et de la pensée auquel ce spectacle rend hommage avec une perspicacité, une pénétration et une fidélité aussi rares que jouissives.
 
Catherine Robert


Montaigne, d’après Les Essais, de Montaigne ; mise en scène de Thierry Roisin. Du 4 au 8 février 2008. Le 4, le 6 et le 7 à 19h ; le 5 et le 8 à 20h30. Théâtre de l’Espace, Scène nationale de Besançon, Place de l’Europe, BP 2033, 25050 Besançon cedex. Réservations au 03 81 51 13 13. Du 20 au 24 mai 2008. Les 20, 21 et 23 mai à 20h, les 22 et 24 mai à 19h. Théâtre de la Rose des Vents, Boulevard Van Gogh, BP 10153, 59653 Villeneuve d’Ascq cedex. Réservations au 03 20 61 96 96. Reprise en mars 2009 au CDN de Montreuil.

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