La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Moi-Miettes

Moi-Miettes - Critique sortie Théâtre
Moi-Miettes (Christèle Tual) dans la tentative de se rassembler.

Publié le 10 novembre 2008

L’actrice singulière Christèle Tual accomplit une performance scénique enjouée en portant sur le plateau d’Olivier Schneider le verbe insolite, provocateur et cru de Marie de Beaumont.

Toute vérité n’est pas bonne à dire, mais l’auteure de théâtre Marie de Beaumont n’a que faire de ce dicton, elle éprouve un malin plaisir à troubler le spectateur en cassant les cadres rigides et convenus de la bienséance. L’héroïne de Moi-Miettes, monologue d’exposition d’un mal-être féminin, raconte tout haut ce qu’il convient de dire tout bas en société. Le bébé hurleur des voisins vagit bruyamment, la jeune femme aurait préféré qu’il ne naisse jamais, rêvant même de l’embrocher ! Et « N’étant pas jeune mère, n’étant pas mère du tout… » , la plaignante ne peut pas faire autorité ; la douleur de ce vide maternel infligé l’accable en tant que femme. Elle rédige à sa table une lettre violente à la mère de ce chaos sonore : son mari la trompe allègrement grâce à ses bons soins écoeurés de voisine consentante. Dans cet immeuble sans âme, à part ce couple et elle-même sans vie sexuelle ni emploi, il n’y a que des chats et des chiens. La célibataire endurcie a eu un chien, une plaie gémissante avec quelques poils, qu’elle a lancé sur un pervers. Les conséquences de cette attaque programmée en forme de défense ont été plus cruelles que prévues… Il a fallu piquer la bête.

Une multiplicité de pulsions anarchiques qui lui ôtent le bonheur

Passant d’un sujet à l’autre, la rebelle déclarée se fixe sur Berlin, elle s’identifie à cette ville sans concept et faussement branchée, « des morceaux sans lien comme moi… des quartiers qui ne s’aiment pas dans un flux de bière ». Une ville encore qui symbolise la fête de l’homme, la parfaite union de la bière et du mâle ! La narratrice ne lit plus les journaux, ne regarde plus la TV, n’écoute plus la radio. Elle n’a rien mais elle existe, c’est ce qu’elle voit dans son miroir de reine ( Blanche-Neige), le seul qu’elle ait conservé dans l’isolement de son appartement. L’écriture dans la mise en valeur narquoise de cette anti-héroïne pourrait illustrer Utopie et Désenchantement de Claudio Magris : « L’individu sent une blessure profonde, qui rend difficile pour lui de réaliser pleinement sa personnalité en accord avec l’évolution de la société et lui fait sentir l’absence de la vraie vie ». Moi-Miettes est cette poupée désarticulée, cassée en mille morceaux, faite d’une multiplicité de pulsions anarchiques qui lui ôtent le bonheur d’être. Le metteur en scène Olivier Schneider a senti au plus près l’intensité de ces émois libertaires, à l’écoute de la parole de l’auteur comme du corps féminin en souffrance et des prouesses physiques de la comédienne Christèle Tual, longue silhouette gracile en mal de reconnaissance dont le talent scénique radieux scintille.

Véronique Hotte


Moi-Miettes
De Marie de Beaumont, mise en scène d’Olivier Schneider, les 19 et 20 novembre 2008 à 20h30 à La Scène, 6 Chemin Bout du Large 78540 Vernouillet Tél : 01 39 28 92 52/06 72 82 55 92
Le 2 décembre 2008 à La Barbacane Place du 8 mai 1945 78650 Beynes

Spectacle vu au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Cyr-L’école

A propos de l'événement


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